Changer notre regard sur l’aménagement des rivières.

 

Notre culture de plus en plus urbaine est née pour partie de l'aménagement des rivières et des fleuves. Ceux-ci ont en effet joué un rôle central dans la naissance et le développement des villes. La construction de digues, de barrages, les travaux de correction hydraulique ont longtemps été perçus comme une nécessité de civilisation, un « progrès » qui ne saurait être remis en cause. Au fil des temps, les  " perfectionnements techniques"  ont permis de construire des ouvrages de plus en plus grands, avec, dans leur sillage des dégâts de plus en plus impressionnants sur les écosystèmes. Aujourd'hui, nous découvrons que les dommages ne sont plus acceptables ni par les milieux naturels, ni par les sociétés humaines et que nous devons trouver un nouvel équilibre. Sur un plan culturel, cette découverte est source de conflits, de tensions, puisqu'elle remet en cause des croyances, une foi séculaire dans la mission des hommes à aménager, voire à "corriger" la nature.

 

Les fleuves du monde en danger

Une étude du WWF sur les 227 plus grands fleuves du monde montre que 37 % d'entre eux sont sévèrement affectés par la fragmentation des débits, 23 % sont modérément affectés, et 40 % encore indemnes. Les dernières grandes rivières encore non affectées dans le monde se trouvent dans les régions nord de la toundra, en Amérique du Nord et en Russie, dans les petits bassins côtiers d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Certains grands fleuves mis sous pression comme le Colorado, le Rio Grande et le Fleuve Jaune n'atteignent plus la mer pendant une partie de l'année, et cela va en s’aggravant. Il ne reste plus que 21 fleuves de plus de 1000 km aujourd’hui qui, de la source à la mer, n'ont aucun grand barrage. L'initiative « Dam Right » du WWF montre que c'est le bassin du Yangtze, en Chine, qui est le plus menacé, avec 44 grands barrages en projet ou en construction. Viennent ensuite les fleuves la Plata en Amérique du sud (27 barrages), le Tigre et l'Euphrate, en Turquie, Syrie et Irak, avec 26 barrages. Il y a 11 projets de barrages sur l'Amazone, au moins autant sur le Mékong et encore 8 projets de grands barrages sur le Danube. Après la construction du grand barrage d'Assouan sur le Nil, l'apport de phosphates et de silicates à la zone côtière a été réduit à 4 % et 18 %. Cette chute dans les nutriments, combinée avec une salinité accrue dans le delta provoquée par la réduction du débit du Nil, a significativement réduit la production des pêcheries côtières .

 

FAO (Food and Agriculture Organisation], 1995