Il est question
de redonner vie à de nombreux cours d'eau en supprimant des obstacles qui
n'ont, pour l'essentiel, pas vocation à produire de l'électricité.... ...de
grâce, écartons l’idée que nous opposons l’hydroélectricité à la récupération
de nos fleuves et de nos rivières.....dans notre pays, on compte 50 000
obstacles dont 48 420, soit 97 %, n'ont aucun rapport avec l'hydroélectricité.
S’agissant de
l’hydroélectricité, notre pays compte 2 000 barrages hydroélectriques... la
position constante du Gouvernement, notamment celle du Grenelle de
l’environnement, est assez claire : l’hydroélectricité fait partie des énergies
renouvelables de notre pays.
Une étude est
proposée sur l’ensemble des obstacles – près de 50 000 – de nos fleuves et nos
rivières... je suis même prêt à proposer un amendement ... pour indiquer que
l’étude concerne tous les ouvrages, à l’exception de ceux concernant les
barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l’article L. 214-4 du
code de l’environnement. Il faut sortir de cette espèce d’angoisse ! …en septembre, tous les acteurs concernés se
sont réunis, les hydroélectriciens, les fédérations de pêche, les représentants
des élus locaux et des ONG.
Or tous ont été
d'accord avec notre texte. Il nous reste une petite décennie pour parvenir à 23
% d’énergies renouvelables. Il n’est donc pas question de toucher à nos
capacités énergétiques. Je rappelle d’ailleurs, pour lever toute ambiguïté, que
le mot « effacement » n’est pas synonyme de « destruction » : il s’agit
simplement de rétablir la continuité de la circulation de l’eau de manière à
préserver la diversité...
(Mr Borloo cite
l'exemple de la mise en place d’un ascenseur à poisson pour lequel le mot
"effacement" a été utilisé).
Comment se joue
l’avenir de nos rivières
Séance du 3 février 2009 (compte
rendu intégral des débats)
L'amendement n° 763 rectifié,
présenté par MM. Pointereau, Revet, Bizet, Pierre et Bailly et
Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Compléter le
premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette étude,
basée sur des données scientifiques sera menée en concertation avec les acteurs
concernés.
La parole est à M. Rémy
Pointereau.
Cet
amendement vise l’étude qui a été évoquée tout à l’heure et qui concernerait
l’aménagement ou l’effacement des obstacles les plus problématiques pour la
migration de poissons. Nous souhaitons que cette étude soit menée en
concertation avec les acteurs locaux concernés. Il est vrai que les riverains
des cours d’eau, qui sont des acteurs de terrain permanents, ont une
connaissance incomparable des problèmes rencontrés et de leurs causes, et
qu’ils peuvent, grâce à leur expérience, compléter les approches
administratives en proposant des solutions pragmatiques. Il s’agit, finalement,
d’un amendement de bon sens. Les données scientifiques élaborées dans un
bureau, c’est bien, mais la connaissance du terrain, c’est mieux ! On ne
doit pas imposer l’élimination des barrages ou des stations hydroélectriques,
construits parfois récemment– il y a quinze ans – aux frais soit de
personnes privées soit des collectivités locales, sans l’aval des acteurs
locaux privés, mais aussi des élus locaux, qui sont présents dans des syndicats
de rivières et qui ont réalisé des investissements importants. Je ne me vois
pas aujourd’hui supprimer d’un coup de baguette magique, sans concertation, un
certain nombre d’obstacles ou de barrages qui ont été construits voilà peu de
temps.
M.
le président.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur.
Nous
abordons un point important, et je m’efforcerai de donner l’avis de la
commission sur les différents amendements le plus clairement possible.
Les
amendements identiques nos 218 et 655 vont à l’encontre de ceux
sur lesquels la commission a émis un avis de sagesse. La commission n’estime
pas opportun de supprimer la possibilité d’aménager les obstacles les plus
problématiques pour la migration des poissons. Je demande donc aux auteurs de
ces amendements de les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Les trois amendements identiques nos 187 rectifié bis,
465 rectifié bis et 516 rectifié tendent à
supprimer l’objectif d’effacement des obstacles les plus problématiques à la
migration des poissons. La commission a émis un avis de sagesse sur ces
amendements pour les raisons suivantes. En tant que président de la mission
commune d’information créée en 2007 sur la sécurité d’approvisionnement
électrique de la France, je ne peux tout d’abord que rappeler la position
constante du Sénat, qui est de chercher à concilier les exigences
environnementales et la nécessité de développer l’énergie hydroélectrique.
L’importance de celle-ci est double.
D’une
part, elle permet d’accroître la part des énergies renouvelables, puisqu’elle
représente pour l’instant plus de 90 % de l’électricité d’origine
renouvelable. Elle participe ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet
de serre.
D’autre
part, elle contribue à la sécurité d’approvisionnement de la France, notamment
en apportant un appoint décisif pour les pics de consommation. Si, au mois de
novembre 2006, nous avons pu redresser la situation malgré les éoliennes, qui
ont mis la « pagaille » dans tout le réseau français, c’est grâce à
l’apport massif de l’hydroélectricité. Sinon, le réseau se serait complètement
effondré.
En
tant que rapporteur du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, je ne
peux que rappeler les nombreuses dispositions que nous avons adoptées voilà
tout juste deux ans, afin de garantir la continuité écologique des cours d’eau,
notamment en réglementant les débits réservés. Il faut faire respecter la
loi ! On nous dit que l’Allier – j’ai bien noté qu’il s’agit de
l’ancien Allier – est un cloaque à certains endroits. Or, sauf exception,
il ne s’agit pas de ce département ! Il ne devrait donc pas y avoir de
problème, puisque c’était l’avis du ministère de l’environnement de l’époque.
Dans
le cadre de l’examen du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, nous
avons également réformé les procédures concernant le classement des cours
d’eau. Est-il vraiment opportun et urgent, dans ces conditions, alors que la
France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de production d’énergies
renouvelables, de prendre une décision de principe sur l’effacement des
ouvrages et de l’inscrire dans ce projet de loi de programme ?
D’après
les informations qui nous ont été communiquées, cet effacement concernerait non
seulement quelques grands barrages jugés problématiques, mais aussi, d’après le
recensement effectué par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques,
l’ONEMA, de nombreux petits ouvrages. Or, s’il est assez facile de traiter le
problème des grands ouvrages, il n’est pas toujours pertinent de supprimer les petits
ouvrages.
Monsieur
le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, nous vous donnons acte des
travaux engagés dans le cadre de la convention sur l’hydroélectricité, qui
prévoit un développement de cette énergie. Mais, même dans ce cadre, il semble
que la notion d’effacement des ouvrages ne fasse pas consensus et qu’elle
suscite l’inquiétude de toute la filière de la petite hydroélectricité, qui
voit dans l’inscription de ce principe dans la loi un danger juridique pour
toutes les installations, et qui s’interroge sur l’imprécision juridique et
scientifique du terme « problématiques ».
D’ailleurs,
la petite hydroélectricité n’est pas si petite que cela ! J’évoquerai à
cet égard la picohydroélectricité, dont les petites turbines au fil de l’eau
produisent tout de même 45 à 50 kilowattheures d’électricité.
M.
Roland Courteau.
Comme les petites éoliennes !
M. Bruno Sido, rapporteur.
La
commission est consciente qu’il s’agit là d’un engagement du Grenelle de
l’environnement, et c’est pourquoi elle a émis un avis de sagesse. Elle estime
toutefois que ce n’est pas une raison suffisante pour rejeter les présents
amendements et qu’on ne peut demander purement et simplement au Parlement de
ratifier les accords du Grenelle, faute de quoi on pourrait s’interroger sur
l’utilité même de l’examen du texte. J’ajouterai que les questions
d’hydroélectricité ne sont pas les seules à se poser. S’il n’y avait pas le
barrage de Suresnes, en été, on traverserait la Seine à pied sec au niveau de
Notre-Dame ! Des dizaines de milliers de petites retenues en France, qui
font parfois un mètre de haut, ont une utilité certaine, ne serait-ce que sanitaire.
Le sujet est donc extrêmement compliqué. Par conséquent, je le répète, la
commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces trois amendements
identiques, mais elle attend surtout des explications de la part du
Gouvernement.
La
commission sollicite le retrait de l’amendement n° 219, dans la mesure où
le critère de migration des poissons lui paraît suffisant. Enfin, la précision
prévue par l’amendement n° 763 rectifié paraît tout à fait utile. La
commission émet donc un avis favorable.
M.
le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre
d'État.
Nous
élaborons un texte d’ordre général, même si les conséquences peuvent être
particulières : il s’agit de redonner vie à nos cours d’eau. Ainsi,
l’article 24 concerne les « eaux résiduaires urbaines », et toutes
les collectivités se sont mobilisées. J’ajoute, mais ce n’est pas l’objet du
texte, qu’un certain nombre de produits ont autrefois été déversés dans nos
fleuves et nos rivières. Or chacun sait à quel point il est difficile de
récupérer un bon état écologique de ces cours d’eau.
On
sait aussi qu’un certain nombre d’obstacles, liés à l’histoire, n’ont plus de
vocation véritable, mais qu’ils sont toujours là. Ils appartiennent parfois à
une personne privée, parfois à une collectivité, à l’État ou aux départements.
Il existe sur nos fleuves et nos rivières 50 000 obstacles, dont
48 420 n’ont aucun rapport avec l’hydroélectricité, c’est-à-dire 97 %
ou 98 %. À vrai dire, notre seul véritable problème est de mettre en place
une mission partenariale d’identification pour savoir si certains de ces
obstacles peuvent avoir un intérêt, par exemple en cas de crue, et de trouver
des moyens de financement pour rétablir la fluidité de nos cours d’eau, nos
fleuves, nos rivières et nos ruisseaux. L’unique objet de ce texte est
d’étudier les différents obstacles, et ce sera compliqué. On a demandé à
l’ONEMA de commencer à les identifier : certains obstacles présentent des
avantages et des inconvénients ; d’autres, et ils sont nombreux, posent
des problèmes de pollution élémentaire, ce qui impose leur destruction.
S’agissant de l’hydroélectricité, notre pays compte 2 000 barrages
hydroélectriques. D’ailleurs, la position constante du Gouvernement, notamment
celle du Grenelle de l’environnement, est assez claire :
l’hydroélectricité fait partie des énergies renouvelables de notre pays. Du
reste, nous avons pris un décret de renouvellement des concessions
hydroélectriques françaises en prenant en compte quatre critères : la
performance énergétique – plus 12 % – la qualité des turbines,
la sécurité – un certain nombre de barrages ont plus de soixante-quinze
ans – et le respect des normes environnementales. Cela ne pose pas de
problème majeur, puisqu’un consensus s’est dégagé, me semble-t-il. De grâce,
écartons l’idée que nous opposons l’hydroélectricité à la récupération de nos
fleuves et de nos rivières : il y a peut-être un ou deux cas particuliers
où l’obstacle pose un problème pour l’hydroélectricité ou la petite
hydroélectricité. De toute façon, ces cas emblématiques sur le territoire
national seront traités non pas par ce texte, mais par le renouvellement ou non
de la concession, qui est la seule réalité dépendant de l’action de l’État. Et
cette décision ne sera prise qu’après concertation avec les élus. D’ailleurs,
une réunion aura lieu prochainement avec M. Gouteyron, M. Boyer, et
M. Proriol, député. Il s’agit de deux problèmes distincts ! Ne
mélangeons donc pas un texte de philosophie générale avec un cas particulier,
qui aura son traitement propre !
Je
suis même prêt à proposer un amendement à cet article pour indiquer que l’étude
concerne tous les ouvrages, à l’exception de ceux concernant les barrages
hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l’article L. 214-4 du
code de l’environnement. Il faut sortir de cette espèce d’angoisse !
Un
ou deux sujets concernant l’énergie hydraulique doivent faire l’objet d’une
véritable discussion entre nous. Par ailleurs, une étude est proposée sur
l’ensemble des obstacles – près de 50 000 – de nos fleuves et
nos rivières. Il faut dédramatiser le débat ! Au mois de septembre, un
accord est intervenu entre tous les hydroélectriciens, y compris de la petite
hydroélectricité ou de la picohydroélectricité, les fédérations de pêche,
amateurs et professionnels, les élus, au travers de l’ANEM et de l’ARF, ainsi
que les ONG. Nous soutenons la filière hydroélectrique française : il n’y
a aucune ambigüité sur ce point ! Il nous reste une petite décennie pour
parvenir à 23 % d’énergies renouvelables. Il n’est donc pas question de
toucher à nos capacités énergétiques. En revanche, ce qui est ici demandé à la
Haute Assemblée, c’est de poser une pétition de principe pour que soit réalisée
une mission d’étude portant sur ces obstacles. Je rappelle que 93 %
d’entre eux n’ont pas de rapport avec l’hydroélectricité ! Adresser un
signal contraire en refusant de mener l’analyse de ces
50 000 obstacles à la biodiversité serait quelque peu étonnant.
C’est
pourquoi, je le répète, je suis prêt à vous proposer un amendement visant à
compléter le premier alinéa de cet article par les mots : « à
l'exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement
autorisés au titre de l'article L. 214-4 du code de
l'environnement ». Cela ne nous empêchera pas de mener notre discussion en
toute loyauté et franchise. M. Pointereau le soulignait, il faut tenir
compte de la réalité du terrain, qui inclut parfois des aspects liés au
patrimoine, à des habitudes… Je suis tout à fait disposé à entendre de tels
points de vue, mais les deux sujets sont totalement distincts. Je vous propose
donc de les disjoindre et de lancer cette grande étude sur les obstacles,
puisque nous n’y échapperons pas. Je rappelle d’ailleurs, pour lever toute
ambiguïté, que le mot « effacement » n’est pas synonyme de
« destruction » : il s’agit simplement de rétablir la continuité
de la circulation de l’eau de manière à préserver la diversité. J’en avais tout
à l’heure un exemple sous les yeux, à L’Isle-Adam, où je me trouvais avec le
Président de la République : il s’agit d’un barrage concernant une écluse,
pour lequel la continuité a été rétablie grâce à la mise en place d’un
ascenseur. C’est strictement le cas qui nous intéresse, et le mot « effacement »
a même été utilisé ! Si nous dissocions les deux aspects de la question, il
sera possible de progresser sur cette étude, qui ne représente tout de même pas
un engagement « massif ».J’ai entendu les inquiétudes qui se sont
manifestées. Je rappelle que c’est la France qui a inventé ce mode de
production d’énergie et que le premier barrage hydroélectrique fut
français !
M.
Daniel Raoul.
Eh oui !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.
Les oppositions ne sont
donc peut-être pas aussi fortes qu’il y paraît. Il reste que nous avons
50 000 obstacles à la biodiversité !
Afin de
dédramatiser la situation, je présente un amendement destiné à lever toute
ambiguïté en excluant les barrages hydroélectriques du champ de l’étude.
Je suis donc
saisi de l’amendement no 817, présenté par le Gouvernement, qui
est ainsi libellé :
Compléter
le premier alinéa de cet article par les mots :
à
l'exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement
autorisés au titre de l'article L. 214-4 du code de l'environnement
Quel est l’avis
de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur.
Je
partage tout à fait le sentiment de M. le ministre d’État : le
problème n’est pas l’hydroélectricité, dont le cas a été réglé de façon
satisfaisante dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Aujourd’hui,
seuls quelques barrages ne sont pas aménagés. Le problème, ce sont les
50 000 obstacles, ou prétendus obstacles, à la migration des
poissons. Or, monsieur le ministre d’État, l’expérience que j’ai vécue dans mon
canton m’incite à vous mettre en garde : il se trouvera toujours des
personnes, disons très zélées, pour, localement, déclencher la révolution en
montant, par exemple, les pêcheurs contre les « écolos », alors qu’en
réalité tout le monde est d’accord. Vous êtes sur le point d’ouvrir la boîte de
Pandore, et personne ne sait ce qui en sortira. Personnellement, je suis bien
sûr favorable à ce qu’une étude soit conduite : qui pourrait voter pour
l’obscurantisme ? Mais il nous faudra veiller scrupuleusement, lors de la
deuxième lecture de ce texte ou de la discussion du Grenelle II, à ce que
les choses soient bien « bordées ». Le diable se cachant dans les
détails, ce n’est pas l’hydroélectricité qui suscitera des difficultés :
ce seront bel et bien les 50 000 petits barrages qui provoqueront
autant de petites révolutions en France.
M.
Jean Desessard.
On n’a qu’à en faire une grande et bonne !
M.
le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre
d'État.
À vrai dire, le Gouvernement partage la position initiale de la commission, qui
estimait que l’article 26 était parfait en l’état.
Il émet donc un
avis défavorable sur tous les amendements, excepté sur l’amendement no 763 rectifié,
auquel il est favorable.
M.
le président.
La parole est à Mme
Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur les amendements identiques
nos 218 et 655.
L’amendement no 655 tendait à inscrire dans la loi la nécessité de supprimer les obstacles les plus problématiques. Les positions sur cette question sont plus que contrastées puisque trois amendements ont un objet inverse et que, finalement, la sagesse nous invite à en rester à la rédaction de l’article 26. Cette attitude me paraît être effectivement la plus intéressante. Si nous nous en tenons au texte actuel de la loi, le cas échéant amendé par le Gouvernement, seront donc mis à l’étude l’aménagement et l’effacement éventuel des obstacles les plus problématiques. Cela m’amène à repréciser certains points. Premièrement, les obstacles concernés sont de vieux et grands barrages. Je vous invite à vous reporter au rapport du député Christian Kert, établi au nom de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques. La lecture en est particulièrement instructive ! Deuxièmement, nombreux sont ceux qui chantent les louanges des passes à poissons ; or 60 % d’entre elles ne laissent pas passer les poissons ! Nous avons devant nous bien des études à réaliser sur l’aménagement ! Troisièmement, M. Mézard conteste notre amendement au motif que l’expression « les plus problématiques » serait un non-sens juridique. Mais si je devais citer tous les termes du projet de loi qui sont un non-sens juridique, ils représenteraient la moitié du texte !
Prenons
l’exemple de l’article 24 ! Sont mentionnés les « besoins
essentiels des citoyens » en eau : s’agit-il de l’eau que l’on boit,
de l’eau avec laquelle on fait la vaisselle, de celle avec laquelle on se lave,
de celle avec laquelle on lave la voiture ?… Ce n’est pas très
juridique !
Les
« acteurs compétents », qui est-ce ? Le terme est-il
juridiquement bien cadré ? Pas du tout ! La « diffusion des
connaissances » : qu’est-ce que la diffusion ?
À
destination de qui et comment ? Nous pourrions donc nous renvoyer à
l’infini ce type d’argument. Mieux vaudrait trouver ensemble une bonne
solution.
Enfin,
l’article 26, dans sa rédaction actuelle, ne vise qu’à une mise à
l’étude. Sur d’autres questions beaucoup plus conflictuelles, par exemple celle
des OGM, il a souvent été reproché aux écologistes de vouloir entraver la
recherche, qui doit pouvoir être poursuivie librement. Aujourd’hui, je renvoie
le compliment : une mise à l’étude n’a jamais fait de mal à personne, et
je n’imagine pas que cela commence avec celle des aménagements, voire des
effacements ; en outre, comment savoir si elle n’aboutira pas à la
conclusion qu’il ne faut rien effacer ?
M. Jean-Paul
Emorine, président de la commission des affaires économiques.
Nous sommes d’accord sur les aménagements !
Mme
Marie-Christine Blandin.
Par souci d’apaisement, je retire mon amendement, mais j’invite tous mes
collègues à s’en tenir à la rédaction actuelle de cet alinéa de
l’article 26.
M.
le président.
L'amendement no 655 est retiré.
Madame Didier, l'amendement no 218 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier.
Je rejoindrai ma collègue, car le débat a permis d’éclairer divers aspects. Je
souhaite auparavant insister sur un point : je ne voudrais pas que l’on
imagine, parce que j’ai défendu la circulation des poissons, que je suis contre
l’hydroélectricité ! Qu’est-ce que cette façon manichéenne de poser les
problèmes ? Je ne suis pas contre l’hydroélectricité, je suis pour la
circulation des poissons ! Ce n’est pas tout à fait la même chose !
Il faut trouver des solutions. M. le ministre d’État a précisé que les
études se feraient au cas par cas. C’est effectivement ce qui est nécessaire :
la généralité n’est pas de mise en la matière. Je souhaiterais qu’en
contrepartie les défenseurs de l’hydroélectricité à tout crin, de la grande, de
la petite, de la micro et même de la picohydroélectricité, conviennent aussi
qu’il pourrait être intéressant de défendre la circulation de l’eau, la
biodiversité et, tout simplement, la vie dans les rivières !
M.
Jean Desessard.
Bien sûr !
Mme Évelyne Didier.
Pourquoi vouloir absolument opposer les deux ? Peut-être faut-il chercher
du côté du lobby de l’hydroélectricité ! Je l’ai vu à l’œuvre lors
de la discussion de la loi sur l’eau : il est très organisé ! Est-ce
un hasard si l’on retrouve les mêmes mots dans divers amendements ? Par souci d’apaisement, je retire mon
amendement ; pour autant, notre position sur l’hydroélectricité ne doit
pas être systématiquement caricaturée. Je voudrais, pour terminer, revenir sur
la suppression des obstacles. Soyons précis ! Certaines petites retenues,
pour lesquelles le mot « obstacle » est peut-être même excessif,
permettent qu’en été, au moment des étiages, il reste de l’eau dans les
rivières. Ces obstacles-là, il ne faut pas les effacer !
M. Jean-Louis Borloo, ministre
d'État.
Les études servent à ça !
Mme Évelyne Didier.
Exactement ! Il faudra, au contraire, être attentifs à ne pas vouloir subitement
tout effacer, parce qu’il pourrait se trouver des ayatollahs dans l’autre
camp !
Soyons mesurés,
écoutons-nous les uns les autres, mais, par pitié, ne caricaturons pas !
M. le président.
L'amendement n° 218 est retiré.
La parole est à
M. Paul Raoult, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 187
rectifié bis, 465 rectifié bis et 516 rectifié.
Je
voudrais apporter mon témoignage en tant que pilote du COMOP « Trame verte
et bleue ». Nous sommes en train de débattre de questions pour lesquelles
certaines régions sont déjà passées à la pratique. J’ai entendu des exposés sur
les régions Alsace, Nord–Pas-de-Calais et Picardie : les études sur
l’éventuel effacement des barrages y ont déjà été réalisées et, dans les deux
dernières régions, les conclusions sont déjà mises en œuvre ! C’est en concertation avec les conseils
régionaux, avec les départements, avec les communes, que les études ont été
menées, à partir de cartographies très précises de l’ensemble des barrages
existants, par exemple sur la Cauche, sur l’Authie, ou encore sur les affluents
de la Sambre, en particulier les deux Helpe. Ces barrages, généralement
d’anciens moulins à eau, remontent parfois au XIXe, au XVIIIe,
au XVIIe, voire au XVIe siècle. Aujourd’hui, ils ne
sont plus utilisés, mais, parce que souvent leur entretien laisse à désirer,
ils constituent des freins à la fluidité de la biodiversité, des obstacles à
l’écoulement de l’eau, et, de plus, ils bloquent tous les types de pollution,
solides ou autres, en certains endroits précis. Les élus des communes
concernées doivent donc intervenir. Or ces ouvrages appartiennent souvent à des
propriétaires privés, si bien que, alors même que l’écoulement des eaux relève
de l’intérêt général, il est difficile pour la puissance publique d’intervenir.
Cessons cette espèce de guerre idéologique ou religieuse sur le sujet ! Il
est évident qu’il nous faut tous défendre l’hydroélectricité. Pour autant, la
géographie naturelle de la France est extrêmement diverse. Je puis vous assurer
que les études auxquelles j’ai eu accès, que ce soit pour la Picardie ou pour
le Nord–Pas-de-Calais, démontrent que l’effacement est nécessaire pour certains
barrages qui, alors qu’ils ne mesurent pas plus d’un mètre ou deux, parfois
trois, constituent des points de blocage. Or les élus ont pour seul
interlocuteur un particulier qui n’a pas les moyens suffisants pour régler le
problème, mais qui place la puissance publique dans l’impossibilité
d’intervenir !
M.
Michel Mercier.
Très bien !
M. Paul Raoult.
Je vous en conjure, mes chers collègues, soyons pragmatiques, examinons les
situations au cas par cas en nous fondant sur les études qui auront été
réalisées par la région, en collaboration avec les départements et les communes.
Le texte est-il bien rédigé ? Je l’ignore ! Il est vrai que la
formulation proposée suscite certaines craintes ; nous y avons travaillé
dans le cadre du COMOP, et nous y travaillons encore. L’enjeu n’a rien à voir
avec l’hydroélectricité ! Il faut prendre en compte la réalité
géographique de nos rivières, mais pas seulement !
M.
le président.
La parole est à M. Éric
Doligé, pour explication de vote.
J’ai écouté
avec beaucoup d’attention M. Raoult et j’approuve certains de ses propos. Il
donne toutefois le sentiment que seule la Picardie travaille sur ce sujet.
J’ai présidé
pendant dix ans l’Établissement public d’aménagement de la Loire et de ses
affluents dans une période difficile ;…
Certes !
J’ai
succédé à quelqu’un d’important, Jean Royer. Les constructions et les
effacements de barrages, on connaît ! Les choses ont beaucoup évolué
depuis, me semble-t-il. Les esprits se sont apaisés, on a su effacer des
barrages, notamment celui de Maison Rouge, après une étude qui avait été
réalisée avec Alain Juppé, Premier ministre à l’époque. L’association des
collectivités locales, départementales ou régionales a permis de créer des
établissements publics importants sur la Garonne, sur la Saône, sur le Rhône ou
sur la Loire. La France est désormais bien couverte et nous pouvons nous
féliciter, les uns et les autres, des résultats obtenus dans la concertation. À
l’époque, celle-ci était un peu tendue ; aujourd’hui, elle est apaisée. Le
débat d’aujourd’hui me réjouit, car, il y a quinze ans, il se serait déroulé
autrement.
M.
Bruno Sido, rapporteur.
Il n’est pas encore fini !
M.
le président.
La parole est à M.
Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
Je
me réjouis, moi aussi, de ce débat. J’ai apprécié les interventions de M. le
ministre d’État et de M. le rapporteur. Je demanderai peut-être à M. le
ministre d’État d’apporter des précisions s’agissant de la clause qu’il nous
propose d’insérer. Mes chers collègues, je ne me reconnais pas dans les propos
de certains d’entre vous. Sans esprit systématique, sans caricaturer et sans
appartenir au lobby de l’électricité, j’aurais cependant plus de
confiance dans les études si, parfois, ceux qui les réclament ne me semblaient
pas animés par certains préjugés ; je le dis très clairement et je vais
essayer d’en apporter quelques preuves. Permettez-moi de faire référence à un
cas particulier. On évoque, pour un certain barrage de mon département, la
remontée des saumons. Je rappellerai d’abord que c’est dans ce département qu’a
été construit un équipement que tout le monde apprécie : la salmoniculture
de Chanteuge ; c’est un établissement unique !
Le
département et l’Établissement public de la Loire ont largement contribué à son
financement ; les collectivités de base sont intervenues à la mesure de
leurs moyens.
Par
conséquent, ne croyez pas que nous ne soyons pas attachés à la continuité
écologique, à la remontée des saumons. D’autant que, dans le passé, la présence
des saumons dans l’Allier a été un argument économique et touristique
extrêmement important, et nous aimerions que ce soit encore le cas aujourd'hui.
Mais nous ne voulons pas que les décisions se fondent sur des préjugés. Il a
été fait allusion au barrage de Poutès ! Mettons-nous une fois pour toutes
dans la tête que ce n’est pas ce barrage qui empêche la remontée des saumons.
Je dispose de quelques chiffres et j’aimerais profiter de cette occasion pour
vous les communiquer.
Au
XIXe siècle, c’étaient des milliers de saumons qui remontaient
dans la Loire et qui s’engouffraient dans l’estuaire. Ils sont beaucoup moins
nombreux aujourd'hui et ils doivent franchir un certain nombre d’obstacles,
dont le premier, tout le monde le sait, est le bouchon vaseux de l’estuaire. J’ai
lu, voilà quelque temps, quelques pages du SAGE de l’estuaire qui mettent
effectivement l’accent sur la nocivité et la turbidité de ce bouchon
vaseux ; il constitue un obstacle considérable à la remontée des saumons.
Savez-vous combien, parmi ces saumons qui tentent de remonter la Loire, puis
l’Allier, parviennent au pied du barrage de Poutès ? Ils sont non pas des
milliers, mais seulement quelques dizaines, et ils arrivent en piteux état.
Nous sommes prêts, nous aussi, à regarder la réalité en face, mais que l’on ne
nous oppose pas des arguments ne s’appuyant sur aucune considération
scientifique. Mon département a fait l’expérience de l’arasement du barrage de
Saint-Étienne-du-Vigan ; nous ne nous y sommes pas opposés à l’époque, et
nous avons peut-être eu tort. Monsieur le ministre d’État, il faudrait être
capable de mesurer les conséquences, sur l’écosystème, de l’arasement d’un
barrage. Vous n’employez pas le mot « destruction », soit, mais
l’arasement du barrage de Saint-Étienne-du-Vigan n’a pas été sans effets sur
l’écosystème ; les habitants de la région vous le diront !
L’arasement d’un barrage comme celui de Poutès – que je refuse avec
vigueur – aurait des conséquences très importantes sur l’écosystème et je
m’étonne que certains, dans cette assemblée, n’y réfléchissent pas. Et je ne
parle pas du coût, que l’on ne prend pas suffisamment en compte. Par
conséquent, n’invoquons pas de mauvais arguments ! Je le répète, ce n’est
pas le barrage de Poutès qui empêche la remontée des saumons ; les
chiffres le montrent clairement.
L'Article
26
La
trame bleue permettra de préserver et de reconstituer les continuités
écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif d'atteindre
ou de conserver d'ici à 2015 le bon état écologique ou le bon potentiel pour
les masses d'eau superficielles ; en particulier, l'aménagement ou
l'effacement des obstacles les plus problématiques pour la migration des
poissons sera mis à l'étude.Le développement des maîtrises d'ouvrages locales
sera recherché, notamment en y associant les collectivités territoriales, afin
de restaurer et entretenir les zones humides et les réservoirs biologiques
essentiels pour la biodiversité et le bon état écologique des masses d'eau
superficielles. En particulier, la création des établissements publics
territoriaux de bassin sera encouragée, ainsi que l'investissement des agences
de l'eau dans ces actions.
La parole est à
Mme Évelyne Didier, sur l’article.
M. Jean-Paul
Emorine, président de la commission des affaires
économiques.
C’est de la démocratie abusive !
Mme Évelyne Didier.
Nous n’avons pas abusé des amendements puisque nous n’en avons déposé que
soixante-dix !
L’article 26
nous permet d’aborder la question de l’hydroélectricité.
Le
projet de loi ne prévoit pas de bilan écologique de la filière, bilan qui
figurait pourtant dans les engagements du Grenelle. Une remise en place se
révélerait pourtant nécessaire afin de mettre en cohérence les objectifs
affichés pour le développement de l’hydroélectricité, antagonistes parfois avec
les objectifs de résultats obligatoires de la directive cadre sur l’eau
– atteindre le bon état des eaux en 2015 – et avec ceux de la trame
bleue. Je pense ici, notamment, à une mise à l’étude de l’effacement des
barrages de Poutès-Monistrol sur le sous-bassin de l’Allier, de Vézins et de la
Roche-qui-boit sur le bassin de la Sélune, dont les situations respectives et
l’impact sur l’environnement font débat. Il conviendrait, en outre, que l’État
étudie les modalités de compensation des pertes de ressources engendrées par
l’arasement des ouvrages pour les collectivités territoriales concernées.
L’article 26 porte également sur l’association des collectivités
territoriales au développement des maîtrises d’ouvrage locales. À l’instar de
mon collègue de l’Assemblée nationale Germinal Peiro, je conclurai en rappelant
un amendement qui a été adopté lors de la discussion de la loi sur l’eau et les
milieux aquatiques : cet amendement interdit aux conseils généraux de
moduler l’aide apportée aux communes et aux établissements communaux qui gèrent
eux-mêmes leur service de l’eau, en leur accordant, par exemple, un pourcentage
supplémentaire de subvention.
Selon
diverses études, la facture du consommateur serait de 20 % à 40 %
moins élevée avec une gestion en régie qu’avec une gestion confiée à une
entreprise. Il est donc important de réfléchir à une autorisation de modulation
de l’aide apportée à ces communes.
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les
amendements nos 218 et 655 sont identiques. L'amendement
n° 218 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam,
Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain,
Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement
n° 655 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin,
Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces
deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
en particulier,
rédiger comme suit la fin du premier alinéa
de cet article :
les obstacles identifiés comme étant les plus problématiques à la migration des
poissons seront supprimés.
La parole est
à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 218.
Mme Évelyne Didier.
Nous souhaitons que le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement et son article 26 ne se situent pas en deçà
des objectifs tirés des conclusions des tables rondes. Bien entendu, nous ne
voulons pas une suppression systématique des barrages. Toutefois, certains
ouvrages sont véritablement problématiques. Il faut à tout prix les faire
sauter, sans quoi les milieux concernés risquent de se dégrader encore plus.
M. le président.
La parole est à Mme
Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 655.
Mme
Marie-Christine Blandin.
Il ne suffit pas que les obstacles dont il est question soient mis à l’étude,
nous voulons que certains soient supprimés.
Je
rappellerai d’abord que le rapport de la Commission mondiale des barrages – il
date tout de même de 1997 ! – qui avait été commandé par la Banque
mondiale et l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN,
révèle, d’une part, des impacts sur les rivières et les zones aquifères
beaucoup plus négatifs que positifs, d’autre part, des pertes irréversibles
d’espèces et d’écosystèmes.Par ailleurs, dans le cadre des réflexions menées
par le groupe de travail « biodiversité » du Grenelle de
l’environnement, les obstacles aux continuités des fleuves et rivières sont
apparus comme des facteurs très graves de disparition des espèces. Comme vient
de le rappeler ma collègue Évelyne Didier, le comité opérationnel a fléché les
barrages de Poutès-Monistrol, Vézins et la Roche-qui-boit.D’ailleurs, monsieur
le ministre, nous avions demandé quelques preuves d’engagement avant l’examen
du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement. S’agissant de la mine d’or de Kaw, en Guyane, vous avez pris
toutes vos responsabilités. En revanche, le barrage de Poutès-Monistrol, qui
était également visé, n’a pas sauté. Le groupe EDF s’est réveillé à temps…
M. Adrien
Gouteyron.
D’autres aussi !
Mme
Marie-Christine Blandin. …
et a demandé à le conserver. Un groupe d’études a donc été mis en place
– on sait bien comment les choses se passent ! – et les
explosifs ne sont pas arrivés suffisamment tôt pour éviter d’enliser le débat.
Le
problème est le suivant : l’Allier est un véritable conservatoire
dynamique, sur une distance d’au moins quatre cents kilomètres, et il
existe une seule structure d’importance entre sa source et la confluence avec
la Loire,…
M. Adrien
Gouteyron. C’est faux !
Mme
Marie-Christine Blandin. …
le barrage de Poutès-Monistrol : 16 mètres de hauteur ;
2,2 millions de mètres cubes d’eau ; une dérivation du cours normal
de l’Allier sur dix kilomètres ; un turbinage ; une chute de
61 mètres ; un édifice datant de 1941 et construit malgré l’avis des
pêcheurs et de l’administration des Eaux et Forêts de l’époque.
Depuis
cinquante ans, dans le vieil Allier, c’est-à-dire la vraie rivière, il ne coule
que 0,5 mètre cube d’eau par seconde. Ce phénomène a été identifié comme
étant responsable de la quasi-extinction du saumon de la Loire, lequel a
pourtant bien des mérites puisqu’il franchit les bouchons vaseux de l’estuaire
avant de sillonner entre les centrales, les radiers de ponts et les quelques
barrages.
Tout
au long de la Loire, une association accompagnée d’élus a réalisé un travail
exemplaire d’effacement. Il ne reste plus que Poutès-Monistrol !
Aux
États-Unis, deux cents barrages de ce type ont été supprimés ces dernières
années. Si je peux vous fournir ce chiffre et si cette comptabilisation a pu
être réalisée, c’est parce que l’on est à mille lieues des petites installations
de micro-production d’hydroélectricité, qui ont sans doute motivé les
amendements de prudence qui seront présentés ultérieurement.
M. le président.
Les amendements nos 187 rectifié bis, 465 rectifié
bis et 516 rectifié sont identiques.
L'amendement
n° 187 rectifié bis est présenté par M. Mézard,
Mmes Laborde et Escoffier et MM. Collin et Barbier.
L'amendement
n° 465 rectifié bis est présenté par MM. Courteau,
Raoul, Daudigny et Miquel.
L'amendement
n° 516 rectifié est présenté par M. Amoudry et les
membres du groupe Union centriste.
Ces
trois amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa de cet article,
supprimer les mots :
ou l'effacement
La
parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement
n° 187 rectifié bis.
M. Jacques Mézard.
L’article 26 pose le principe de la reconstitution d’une trame bleue, qui
vise à assurer la continuité écologique des cours d’eau en prévoyant notamment
que « l’effacement des obstacles les plus problématiques pour la migration
des poissons sera mis à l’étude ».
Nous
considérons que cette disposition vise, en réalité, les grands barrages
hydroélectriques et que les difficultés évoquées ne concernent en rien les
petites installations hydroélectriques, qui fonctionnent au fil de l’eau, sur
des seuils existant parfois depuis plusieurs siècles et en conformité avec la
réglementation en vigueur.
En
l’état, le caractère problématique d’un ouvrage ne repose sur aucun critère
scientifique : il demeure totalement subjectif et peut d’ailleurs
constituer un non-sens juridique. Cet amendement tend donc à protéger la
filière de la petite hydroélectricité et à éviter, à l’avenir, tout contentieux
pouvant opposer les entreprises hydroélectriques et certaines associations de
protection de la nature, qui seraient tentées de remettre en cause non
seulement les projets en cours, mais aussi les installations déjà existantes.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour
défendre l'amendement n° 465 rectifié bis.
M. Roland
Courteau.
Avec mon collègue Daniel Raoul, notamment, nous allons à contresens, ou plutôt
à contre-courant de certains amendements, car nous voulons défendre la petite
hydroélectricité. Je crois d’abord devoir préciser que, à la suite de la loi de
2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, l’encadrement de la création et de
l’activité des centrales hydroélectriques a été particulièrement renforcé. De
plus, les discussions actuelles sur les SDAGE tendent à s’orienter vers un
élargissement du classement des cours d’eau, ce qui limitera le développement
de la filière hydroélectrique. De nombreuses précautions ont donc déjà été
prises. De surcroît, la disposition qui vise à l’effacement des obstacles les
plus problématiques aurait sans aucun doute des conséquences sur les
installations existantes et sur les projets en cours concernant toute la
filière de la petite hydroélectricité. Par ailleurs, les termes
« obstacles les plus problématiques », tels que mentionnés dans
l’article 26, sont d’une imprécision juridique flagrante et ne reposent
sur aucun fondement scientifique. Ces considérations sont donc bien subjectives
et ouvrent la porte à toutes les exagérations. Je rappelle également que le
fonctionnement d’une installation peut soit être conforme à l’arrêté
préfectoral, auquel cas il n’y a aucune raison de remettre en cause l’activité,
soit nécessiter des aménagements, et le préfet peut d’ores et déjà prescrire
les modifications nécessaires, soit ne pas répondre aux exigences de l’arrêté
préfectoral, et le préfet est alors en mesure de suspendre l’activité. Tout est
donc prévu, ou presque ! À quoi bon préciser que les obstacles
problématiques seront effacés ? Cet ajout n’apporte aucun élément
juridique et ne servira qu’à encourager d’innombrables recours et à laisser les
activités concernées dans la plus grande incertitude. Nous aurons besoin de
toutes les énergies renouvelables pour atteindre les objectifs que nous nous
sommes fixés. Le secteur de la petite hydroélectricité produit une énergie
consommée localement et transportée sur de courtes distances, donc sans pertes
en ligne. Il représente une production de 1 500 mégawatts et offre
des perspectives de développement importantes. Une centrale de
1 000 kilowatts permet d’éviter 3 000 tonnes de dioxyde de
carbone et 400 tonnes de cendres, ainsi que l’importation de
350 tonnes de pétrole.Je rappelle enfin que l’activité que nous évoquons
est particulièrement encadrée, comme j’ai tenté de le démontrer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour
présenter l'amendement n° 516 rectifié.
M. Jean-Paul
Amoudry.
L’article 26 pose le principe de la reconstitution d’une trame bleue
visant à assurer la continuité écologique des cours d’eau. À cet effet, il
prévoit que « l’effacement des obstacles les plus problématiques pour la
migration des poissons sera mis à l’étude ».Je vais reprendre très
succinctement les argumentaires qui ont été développés, puisque cet amendement
est identique aux précédents. Je veux souligner que le caractère problématique
d’un ouvrage demeure essentiellement subjectif et introduit un élément
d’incertitude juridique évident. En effet, en référence à quel critère le
caractère problématique d’un obstacle sera-t-il reconnu ? Qui pourra
garantir que la problématique aura le même sens et le même contenu d’une région
à l’autre ? Dès lors, la disposition envisagée fait peser un risque important
sur toute la filière de la petite hydroélectricité.
M. Roland
Courteau. Exactement !
M. Jean-Paul
Amoudry.
De surcroît, elle est incompatible, d’une part, avec les objectifs ambitieux
qui ont été fixés en matière de production d’énergie renouvelable et, d’autre
part, avec l’un des objectifs de la politique de l’eau énoncé à l’article
L. 211-1 du code l’environnement : « La valorisation de l’eau
comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la
production d’électricité d’origine renouvelable ».
M. le président.
L'amendement n° 219, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le
Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste,
Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi
libellé :
Dans le premier alinéa de cet article,
remplacer les mots :
sera mis
par les mots :
et la continuité écologique des masses d'eau
seront mis
La
parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier.
Comme nous l’avons déjà indiqué, nous souhaitons que le projet de loi de
programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et son
article 26 ne se situent pas en deçà des objectifs tirés des conclusions
des tables rondes. C’est pourquoi cet amendement prévoit l’effacement des
obstacles les plus problématiques.
Je
le concède, mes chers collègues, le terme « problématiques » n’est
peut-être pas très juridique. Pour autant, je récuse complètement le mot
« subjectifs ». Je n’ai pas rêvé : les problèmes sur les
barrages existent bel et bien ! Certes, il convient peut-être de trouver
des compromis entre divers avantages et divers inconvénients, comme nous avons
appris à le faire tout au long du processus du Grenelle de l’environnement,
mais en évoquant un critère subjectif, vous allez un peu loin, mes chers
collègues ! Je disais donc que cet amendement prévoit l’effacement des
obstacles les plus problématiques – nous verrons s’il est nécessaire de
fournir une définition plus précise – pour la migration des poissons. (M. Roland
Courteau s’exclame.) Les dispositions actuelles n’imposent, en
effet, qu’une simple mise à l’étude de ceux-ci, ce qui n’implique aucune
contrainte. Or la présence d’ouvrages barrant les cours d’eau altère fortement
la continuité écologique des masses d’eau et la migration des poissons, en
particulier de l’ensemble des espèces amphihalines. Les obstacles les plus
problématiques pour la migration sont généralement des ouvrages de taille
importante et ne comprenant pas de systèmes à même de garantir un
franchissement suffisant. Ces précisions vous auront peut-être permis de mieux
apprécier nos demandes. Un aménagement de tels ouvrages ne ferait que
contourner le problème. Il convient donc d’envisager la suppression totale des
ouvrages les plus pénalisants qui sont situés sur le territoire français, en
s’attachant à prendre en compte les répercussions socioéconomiques et
environnementales d’une telle décision.
Bien
entendu, il ne s’agit pas de supprimer d’un coup tous les barrages
existants ! Néanmoins, il faut tout de même convenir – d’après moi,
c’est à la portée de tous – que l’eau n’est pas seulement un véhicule qui
transporterait des poissons et qui, à la rigueur, mouillerait des berges. L’eau
est un milieu vivant ! À l’heure où l’on parle beaucoup de biodiversité et
d’écosystème, il est grand temps de prendre conscience que c’est bien ce qui
caractérise nos rivières. (M. Jean Desessard
applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° 763 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Revet,
Bizet, Pierre et Bailly et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article
par une phrase ainsi rédigée :
Cette étude, basée sur des données
scientifiques sera menée en concertation avec les acteurs concernés.
La
parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy
Pointereau.
Cet amendement vise l’étude qui a été évoquée tout à l’heure et qui
concernerait l’aménagement ou l’effacement des obstacles les plus
problématiques pour la migration de poissons. Nous souhaitons que cette étude
soit menée en concertation avec les acteurs locaux concernés. Il est vrai que
les riverains des cours d’eau, qui sont des acteurs de terrain permanents, ont
une connaissance incomparable des problèmes rencontrés et de leurs causes, et
qu’ils peuvent, grâce à leur expérience, compléter les approches
administratives en proposant des solutions pragmatiques. Il s’agit, finalement,
d’un amendement de bon sens. Les données scientifiques élaborées dans un
bureau, c’est bien, mais la connaissance du terrain, c’est mieux ! On ne
doit pas imposer l’élimination des barrages ou des stations hydroélectriques,
construits parfois récemment– il y a quinze ans – aux frais soit de
personnes privées soit des collectivités locales, sans l’aval des acteurs
locaux privés, mais aussi des élus locaux, qui sont présents dans des syndicats
de rivières et qui ont réalisé des investissements importants. Je ne me vois
pas aujourd’hui supprimer d’un coup de baguette magique, sans concertation, un
certain nombre d’obstacles ou de barrages qui ont été construits voilà peu de
temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
..........................................
M. Adrien
Gouteyron.
Seules quelques dizaines de saumons arrivent au pied du barrage, qui a été
équipé d’un ascenseur et d’une goulotte pour la dévalaison. La concession de
Poutès aurait dû être renouvelée et, ce qui nous inquiète, c’est qu’elle ne l’a
pas été. On attend et on est actuellement dans une situation de non-droit,
monsieur le ministre d’État, vous le savez bien. Renouvelez la concession, mais
ne le faites pas aveuglément : prévoyez une clause de revoyure qui
permette de faire le point et nous saurons alors ce qu’il en est très
exactement. Dans cette affaire, mes chers collègues, n’ayons pas d’idées
préconçues, ni d’un côté ni de l’autre. (Bravo ! et applaudissements
sur
les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour
explication de vote.
M. Jean Boyer.
Je souhaite conserver le ton de la modération, ce qui n’exclut pas la
détermination.
Samedi
matin, le département de la Haute-Loire, dont Adrien Gouteyron est également
l’élu, s’est exprimé dans sa diversité : en trois jours, 200 maires
sur 268 ont côtoyé, sur la place Michelet, au Puy-en-Velay, les ouvriers, les
employés, les syndicalistes d’EDF, ceux que j’appellerai la France profonde,
celle qui ne comprend pas. Une réflexion est indispensable avant toute
décision. C’est la démocratie ! Vous l’avez démontré tout à l’heure,
monsieur le ministre d’État, avec les qualités d’écoute qui vous caractérisent.
Mais, parfois, certaines réalités apportent d’elles-mêmes une réponse de bon
sens. Si, par exemple, dans la France profonde, dans une zone où, dans un rayon
de trente kilomètres, il y a moins de cinq habitants au kilomètre carré, on
s’interroge sur l’existence d’un ouvrage producteur d’énergie, qui prolonge
d’ailleurs les souhaits du Grenelle de l'environnement, eh bien ! monsieur
le ministre d’État, la France d’en bas ne comprend pas que la France d’en haut
envisage des perspectives impensables. Le thème fort de notre département
– Adrien Gouteyron, qui a été premier vice-président du conseil général,
pourrait le dire mieux que moi – c’est : « conservons et
développons nos richesses ». Chaque partie de notre territoire a ses
vocations. Les gorges de l’Allier, par exemple, n’ont aucune vocation agricole,
ni industrielle, ni artisanale ; l’accès est très difficile. En revanche,
depuis des décennies, si on n’y cultive ni le blé, ni la betterave, ni le
maraîchage, il est une ressource qui est considérée comme importante compte
tenu de la pauvreté du secteur : le barrage de Poutès. Cet ouvrage fait
partie d’attentions particulières de la part d’EDF et des collectivités
locales, et des investissements ont été réalisés pour celui que l’on appelle le
roi de l’Allier, c'est-à-dire le saumon.
Monsieur
le ministre d’État, les paysans disent souvent : « qui veut noyer son
chien l’accuse de la rage ». Le barrage concerné n’a pas la rage, car il
est suivi régulièrement, dans tous les domaines. Les obstacles sont situés
entre Saint-Nazaire et Nantes, dans l’estuaire de la Loire, à 980 kilomètres
de Poutès.
Soyons
sérieux, soyons concrets ! En 2008, 39 saumons se sont présentés sur
l’échelle à poissons du barrage de Poutès, alors que 421 ont été
comptabilisés à Vichy pour la même période. Mes chers collègues, effacer le
barrage de Poutès coûterait au minimum 12 millions d'euros, sans apporter
aucune amélioration dans les gorges de l’Allier où ce barrage existe depuis
1941. Le complexe hydroélectrique de Monistrol produit en moyenne
80 millions de kilowatts par an, ce qui correspond à la consommation du
quart de la population de la Haute-Loire, soit environ
200 000 habitants. Cela équivaut à 18 millions de tonnes de
pétrole chaque année. Si l’on veut diminuer la consommation de pétrole, si on
pense qu’il est nocif, nous ne comprenons pas les décisions qui sont prises.
Nous souhaitons vivement que ceux qui s’interrogent encore peut-être
aujourd'hui entendent le message d’un département français. (Applaudissements
sur
les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour
explication de vote.
M. Daniel Raoul.
L’amendement du Gouvernement ne correspond pas exactement à l’idée que je me
faisais lorsque Roland Courteau et moi-même avons présenté notre amendement.
Dans
le cadre du schéma de cohérence territoriale, nous avons passé, pour
l’élaboration du projet d’aménagement et de développement durable, des
conventions avec des lycées professionnels pour leur demander de nous aider à
remettre en activité des anciens moulins à eau en les équipant d’alternateur en
vue de produire de l’électricité, voire de l’énergie mécanique. Indépendamment
de l’intérêt que présente l’énergie renouvelable, nous avons engagé une
démarche pédagogique envers ces jeunes lycéens. Monsieur le ministre d’État,
comment cela se passe-t-il avec les barrages qui servent à alimenter les
scieries dans les zones de montagne ? Ce ne sont pas des établissements au
sens de l’article L. 214-4 du code de l’environnement, mais ils produisent
pourtant de l’énergie renouvelable.
Je
comprends que vous visiez les grands barrages hydroélectriques, mais je ne suis
pas pleinement satisfait par la rédaction de l’amendement du Gouvernement. Je
vous ferai même une contre-proposition : je souhaiterais que vous ajoutiez
simplement les termes « sans valorisation énergétique ». Ainsi, on
n’entrerait pas dans le débat sur la mini-hydroélectricité et on n’aurait plus
besoin de mentionner cet article du code de l’environnement qui ne concerne que
les grands établissements.
De
fait, la valorisation énergétique peut être de nature électrique ou mécanique.
On aurait ainsi la possibilité d’utiliser tous les gisements d’énergies
renouvelables qui sont à nos portes, dans nos rivières.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin,
pour explication de vote.
M. François
Fortassin. Ce débat montre que la question de l’eau suscite
automatiquement des préoccupations antinomiques …
Mme Évelyne Didier. Mais non !
M. François
Fortassin. …
entre les pêcheurs, ceux qui défendent les poissons, et les kayakistes, ou les
industriels qui se heurtent aux agriculteurs.
Je
vous livrerai trois témoignages. Pendant une dizaine d’années, j’ai eu
l’honneur de présider la compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, une
société d’aménagement régional. Ma nomination devait être, en quelque sorte,
entérinée par la signature d’un certain nombre de ministres. Or il aura fallu
neuf signatures pour que je puisse présider aux destinées de cet
établissement !
M. Gérard César. C’est que vous le méritiez !
M. François
Fortassin.
C’est dire le maquis dans lequel nous sommes !
On
parle des saumons. Mais il fut une époque où l’existence de très nombreux
moulins dans les vallées pyrénéennes n’empêchait pas les saumons de remonter.
Ainsi, dans la vallée de la Barousse, dont je suis originaire, on peut
notamment lire dans les cahiers de doléances de 1789 que les ouvriers
d’une poterie ont demandé qu’on ne leur serve pas de saumon plus de trois fois
par semaine !
M. Bruno Sido, rapporteur. À Strasbourg, c’était la même chose pour
les personnels de maison !
M. François
Fortassin.
Aujourd'hui, nous n’en sommes plus là…Dans le Gers et les Hautes-Pyrénées, nous
sommes fiers que nos ancêtres aient créé, il y a un peu plus d’un siècle, le
canal de la Neste, car les rivières du Gers seraient à sec en été, et même en hiver,
tels des oueds africains, si elles n’étaient pas réalimentées.
À
l’époque, on a fait passer dans ce canal treize mètres cubes d’eau pour n’en
laisser que trois dans la Basse Neste. Cela n’a jamais provoqué de drame
exceptionnel, ni altéré la vie de la rivière. Avec le principe des débits
réservés, imaginez le tollé général que cela susciterait aujourd'hui si nous
faisions la même chose !
Monsieur
le ministre d’État, j’ai envie de vous souffler une idée, qui ne revêt pas
forcément un caractère provocateur : ne serait-il pas temps de créer, dans
ce pays, un ministère de l’eau ? (Sourires sur les
travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. On a déjà supprimé la Direction de
l’eau !
M. François
Fortassin. Nous aurions au moins une ligne directrice, qui nous
permettrait d’éviter que ces visions antinomiques ne polluent considérablement
la discussion.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour
explication de vote.
M. Daniel Soulage.
Je suis né à côté d’une petite rivière et j’ai la chance d’habiter à proximité
d’une autre. Ce soir, on parle beaucoup de l’effacement des barrages. Moi
aussi, j’ai envie de vous apporter brièvement un témoignage. Voilà une
vingtaine d’années, à quelques dizaines de kilomètres de chez moi, on a
réaménagé une rivière, redressant les virages, enlevant les arbres et
supprimant les barrages existants. Aujourd'hui, il n’y a plus d’eau pour
personne ! Comme vient de le dire mon collègue François Fortassin, cette
rivière est devenue un oued africain. En revanche, tout a été différent pour la
rivière près de laquelle j’habite, car les responsables de l’époque se sont
opposés à une telle décision. Non seulement les barrages ont été sauvegardés,
mais ils ont été restaurés par ma génération. Les moulins ont été conservés, à
la grande joie des poissons (Sourires.), des pêcheurs, des
agriculteurs, etc. De plus, les pouvoirs publics locaux ont développé le
tourisme en l’axant sur la pêche. Je ne dis pas que tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes, mais cela fonctionne. Certes, tous les cas sont
particuliers. Mais comme vient de le préciser mon collègue François Fortassin,
l’idéal serait – même si je sais que ce n’est pas toujours possible –
de réalimenter les petites rivières du sud-ouest de la France en conservant les
barrages existants. À propos de l’effacement de certains barrages, je mettrai
un bémol : il faut examiner le dossier de manière très fine avant de
prendre toute décision, d’autant que se greffe la question de l’énergie. En effet,
un certain nombre de moulins ont été remis en valeur pour produire de
l’électricité grâce à de petites turbines
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour
explication de vote.
M. Paul Raoult. Ah le Rhône !
M. Didier
Guillaume. La sardine du Rhône !
M. Michel Mercier.
Je vois que nos collègues sont essentiellement intéressés par la
nourriture ! (Sourires.)
Je
comprends bien l’intention du Gouvernement avec cet article 26. Vous nous
avez expliqué, monsieur le ministre d’État, que la France comptait 50 000
barrages de toute nature et qu’il fallait, en quelque sorte, rétablir la
fluidité des cours d’eau. On peut adhérer à cet objectif, mais la rédaction
actuelle du premier paragraphe de l’article 26 pose un certain nombre de
problèmes.
L’amendement
que vous avez déposé résout peut-être le problème de l’hydroélectricité
– je ne connais pas bien le sujet, mais vous avez indiqué que n’était
concerné qu’un faible pourcentage des barrages –, mais il ne règle pas les
autres problèmes.
Dans
le département que j’ai l’honneur de représenter aux confins du Rhône et de la
Loire, a été développée, il y a une quarantaine d’années, une économie
touristique à partir de plans d’eau qui ont été créés. Je conçois que l’on
remette aujourd'hui en cause les actions qui ont consisté à barrer les rivières
et à créer des plans d’eau, car elles n’étaient peut-être pas très
intelligentes.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas la question !
M. Michel Mercier.
Mais si, parce qu’un barrage empêche le passage, et c’est ce qui pose
problème ! Si j’ai bien compris, l’article 26 vise à supprimer
l’obstacle que constitue le barrage.
Monsieur
le ministre d’État, vous prévoyez de réaliser une étude ; on peut être
d’accord. Vous envisagez aussi un aménagement des barrages ; on peut
encore être d’accord. Mais inscrire dans la loi le terme
« effacement » revient à préjuger le résultat de l’étude. C’est aller
un peu vite en besogne, d’autant que l’essentiel manque, c'est-à-dire les
moyens financiers.Dans le canton que j’administre, un barrage a été construit
sur la rivière voilà quarante ans. Ce sont quarante hectares qui se trouvent
exploités dans une zone où il n’y avait pas grand-chose. Une économie
touristique s’y est développée et on a envie de la conserver. Je comprends bien
qu’il faille rétablir la fluidité de la rivière. D’ailleurs, nous avons engagé
des études avec tous les acteurs concernés en vue de réaliser un évitement du
lac. Coût de l’opération : 13 millions d’euros ! Les
collectivités locales sont prêtes à en prendre une partie en charge. Si vous me
dites, monsieur le ministre d’État, que l’État participera à hauteur de
4 millions ou 5 millions d’euros, alors vous pouvez inscrire le terme
« effacement » dans cet article. En revanche, si l’État n’apporte
aucun soutien financier à cette opération, ne mentionnez que la mise à l’étude
de l’aménagement, car on devra chercher les financements un peu partout. Rien
n’est pire que de préjuger le résultat d’une étude sans avoir les moyens de
réaliser les aménagements qui seront décidés ! Pourquoi faire envie en
annonçant des décisions que l’on ne pourra pas mettre en œuvre ? Pour ma
part, je souhaite vraiment arriver au résultat que vous préconisez. J’accepte
la mise à l’étude de l’aménagement des obstacles les plus problématiques pour
la migration des poissons, à condition de prévoir un volet financier.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour
explication de vote.
M. Jacques Mézard. Notre amendement a subi un tir de barrage,
si je puis dire (Sourires.)
M. Didier
Guillaume. Hydroélectrique ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard.
Mais il n’y a pas que l’hydroélectricité.
Dans
l’article 26, ce sont les termes « effacement »,
« obstacles » et « problématique » qui posent problème.
Vous
nous avez expliqué, monsieur le ministre d’État, que le terme
« effacement » ne signifiait pas « destruction ». (M. le
ministre d’État fait un signe d’approbation.) Dans ce cas,
précisez-le ! Car, dans le langage commun, effacer signifie…
M. François
Fortassin. Faire disparaître !
M. Jacques Mézard.
Tout à fait ! Voilà deux ans, la communauté d’agglomération que je
préside a financé la restauration de nombreux seuils de rivière, pour plusieurs
centaines de milliers d’euros, avec la participation financière de l’agence de
l’eau Adour-Garonne.Les seuils de rivière sont des obstacles que l’on nous
encourage toujours à restaurer. Il faut donc lever toute ambiguïté en la
matière. Un sénateur socialiste. On
n’a pas parlé du Rhin !
M. Jacques Mézard.
On peut également prendre cet exemple ! Quoi qu’il en soit, les seuils de
rivière sont encore à l’ordre du jour et on nous encourage à poursuivre cette
politique de restauration. Or l’article 26 ne me paraît pas tout à fait
cohérent par rapport à cette analyse. Enfin, le mot
« problématique », s’il ne constitue pas forcément un non-sens
juridique, pose de sérieuses difficultés. Nous maintenons donc notre
amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin,
pour explication de vote.
Mme
Marie-Christine Blandin.
Nous avons tous envie d’aller nous coucher. J’ai une solution qui devrait ravir
tout le monde : je propose de rectifier les amendements identiques nos 187
rectifié bis, 465 rectifié bis et 516 rectifié en ajoutant les mots
« ou le maintien ». Cette phrase du premier alinéa de
l’article 26 serait donc ainsi rédigée : « en particulier,
l’aménagement, ou le maintien, ou l’effacement des obstacles les plus
problématiques pour la migration des poissons sera mis à l’étude ».
M. Gouteyron
disait qu’il n’aimait pas les études, car elles préconisent des solutions
pré-réfléchies. Avec cette rédaction, chacun y trouve son compte ! (M. Adrien
Gouteyron s’exclame.)
M. le président. Messieurs Mézard, Courteau et Amoudry,
acceptez-vous cette proposition de rectification ?...
M. Didier
Guillaume. Il n’y a guère d’enthousiasme !
M. le président.
Je constate que cette suggestion n’a aucun écho.
La
parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert.
Si nous voulons aller dans le détail de tout ce qu’il faut faire en vue
d’apporter des réponses aux enjeux majeurs en matière de continuité écologique,
nous allons y passer la nuit, voire davantage. Certes, il s’agit de sujets
importants, mais nous discutons d’un projet de loi de programme, qui doit
simplement indiquer la direction à prendre et prévoir des solutions générales,
qui seront ensuite déclinées. Si nous commençons à chercher des applications
concrètes pour chaque cas, nous n’avons pas fini ! Les barrages sur le
Rhin ont constitué des obstacles très importants pour la migration des saumons
et des lamproies marines, entre autres. La solution trouvée, à savoir la
construction d’escaliers permettant de passer à côté des barrages, a été positive,
car elle a évité leur destruction. Il s’agit non pas de supprimer les barrages,
mais de trouver, pour chaque situation, la solution adéquate. La terminologie
retenue permet, me semble-t-il, une approche dossier par dossier en vue
d’apporter des réponses concrètes.La question de la continuité écologique est
très importante, car celle-ci favorise la prise en compte de la migration des
espèces et la reconquête de la qualité des milieux. Pour ce qui est du Rhin,
cet indicateur a été particulièrement apprécié.
La
formulation du Gouvernement me convient, sachant que la discussion du projet de
loi Grenelle II nous permettra de compléter et de préciser les mesures
concrètes que nous devrons mettre en œuvre.Je suivrai donc les avis de la
commission et du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 187 rectifié bis, 465 rectifié bis et 516
rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 219
est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier.
En vous soumettant cet amendement, je cherchais simplement une solution
d’apaisement. Même si la formulation proposée me convient moins, j’accepte de
le retirer.
M. le président. L’amendement n° 219 est retiré.
Monsieur
le ministre, l’amendement n° 817 est-il maintenu ?
M.
Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Puisque cet amendement ne semble pas
satisfaire le Sénat, je n’ai pas de raison de le maintenir.
Je
rappelle encore une fois à MM. Boyer et Gouteyron que le sort du barrage qu’ils
ont évoqué, avec émotion, n’est aucunement en jeu avec ce texte ! Cela
doit être bien clair : la décision ne sera prise, comme le prévoit
l’amendement de M. Pointereau, que sur la base de données scientifiques et
en concertation avec les acteurs locaux. Vous avez dit, monsieur
Gouteyron, que vous refusiez tout a priori. C’est le cas : la
décision ne sera précédée d’aucun préalable !
Cela
étant, je peine à concevoir qu’une argumentation de principe sur une étude concernant
les obstacles, destinée à en tirer les conséquences éventuelles, soit à ce
point problématique. Je retire cet amendement, car il n’apporte rien. Il suffit
de suivre la philosophie générale du texte et de mener les études nécessaires,
y compris celles qui portent sur les données financières, avec les acteurs
locaux concernés. Je rappelle que la loi de finances a prévu 15 millions
d’euros au titre de la mise à disposition des acteurs. Il s’agit bien, en
effet, de propriétés tierces par rapport à l’État.
En
outre, nous aurions probablement dû faire l’économie des termes
« aménagement » et « effacement », et en rester au mot
« obstacle ».
Pour
l’instant, j’y insiste, il s’agit simplement d’une mise à l’étude et, si
l’amendement présenté par M. Pointereau est adopté, cette étude sera menée en
concertation avec les acteurs concernés. J’avais déposé cet amendement pour
détendre l’atmosphère, mais il ne présente plus d’intérêt.
M. le président.
L’amendement n° 817 est retiré.
Je
mets aux voix l’amendement n° 763 rectifié.(L’amendement
est adopté.)
M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à
l’unanimité des présents.
L’amendement
n° 466, présenté par MM. Andreoni, Raoul et Courteau,
Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai,
M. Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher,
Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et
rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa de
cet article, après le mot :
recherché
insérer les mots :
sur des unités hydrogéographiques cohérentes
La
parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland
Courteau.
Mes collègues Jacques Mézard, Jean-Paul Amoudry et Daniel Raoul et moi-même
étant responsables de la longueur de ce débat, au demeurant fort intéressant,
nous allons nous montrer raisonnables.
Je
vous prie donc de considérer, monsieur le président, que cet amendement, ainsi
que les amendements nos 467, 468 et 452, ont été défendus.
M. le président.
L’amendement n° 467, présenté par MM. Andreoni, Raoul et Courteau,
Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai,
M. Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher,
Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et
rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa de
cet article, après les mots :
établissements publics territoriaux de
bassin
insérer les mots :
lorsque le périmètre le justifiera
Cet
amendement a été défendu.
L’amendement
n° 468, présenté par MM. Andreoni, Raoul et Courteau,
Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai,
M. Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher,
Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et
rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa de
cet article, après les mots :
établissements publics territoriaux de
bassin
insérer les mots :
ou bien une structure de coopération
intercommunale
Cet
amendement a été défendu.
L’amendement
n° 452, présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient,
Antoinette et Tuheiava, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste,
apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa
de cet article, après le mot :
eau
insérer les mots :
et des offices de l'eau
Cet
amendement a été défendu.
Quel
est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Bruno Sido, rapporteur.
Je serai aussi bref que M. Courteau. La commission demande aux auteurs des
amendements nos 466, 467 et 468 de bien vouloir les retirer. À
défaut, elle émettra un avis défavorable.Elle est en revanche favorable à
l’amendement n° 452.
M. le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme
Chantal Jouanno, secrétaire
d’État.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur les quatre amendements.
M. le président. Monsieur Courteau, les amendements nos 466,
467 et 468 sont-ils maintenus ?
M. Roland
Courteau. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 466,
467 et 468 sont retirés. Je mets aux voix l’amendement
n° 452.
(L’amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que l’amendement est adopté à l’unanimité des présents.
Je
mets aux voix l’article 26, modifié.
(L’article 26 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la
prochaine séance.
Ajout d'un alinéa à l'article 10 :
“La modernisation des barrages de navigation s’accompagnera,
lorsque cela est pertinent, de la construction de micro-centrales
hydro-électriques.”
Article 17 V inchangé : " L'État étudiera les conditions dans lesquelles les unités
de production d'hydroélectricité d'une puissance installée inférieure ou égale
à 12 mégawatts pourront bénéficier de l'obligation d'achat de l'électricité
produite ou de son renouvellement dès lors qu'elles rempliront les critères
environnementaux définis par les lois en vigueur et les normes techniques de
production, sans contrainte supplémentaire".
Suppression
de l’article 17 bis : L’amendement adopté par
l’Assemblée nationale sur le déplafonnement au-delà de 25 % de la
taxe sur le chiffre d’affaires des concessions hydroélectriques a été supprimé
par le Sénat.
Article 26 : dans
le cadre de la reconstitution d’une trame bleue, la notion « d’effacement
des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons » a été
supprimée par le Sénat.
Nouvel article 26 : "La trame bleue permettra de préserver et de reconstituer les
continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif
d'atteindre ou de conserver d'ici à 2015 le bon état écologique ou le bon
potentiel pour les masses d'eau superficielles; en particulier, l'aménagement [
] des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis
à l'étude. Cette étude, basée sur des données scientifiques, sera menée en
concertation avec les acteurs concernés".
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