Construction
d’un canot en écorce
C’est au cours de l’été
1966 qu’un canoë en écorce de bouleau monoplace a été construit pour les musés
nationaux canadiens dans une petite province nommés Weymontaching <<
endroit où l’on voit loin>> au sud du Québec par l’un des derniers artisans en la matière nommé Albert Birote en possession
de secrets plusieurs fois centenaires.
Plan
tiré de Google Earth |
Cette taille de canot rentre dans la catégorie du canot de chasse individuel compris entre 2,5 et 3,6 m de long. La construction du canot prendra une dizaine de jours. La première étape consistant à réunir les matériaux nécessitera à elle seule 3 jours, car ils sont nombreux et leur choix présage déjà de la qualité de l’embarcation. Albert Birote connaît bien son territoire de chasse aux alentours de Dam. Aussi c’est sans hésiter qu’il est allé chercher les meilleures essences d’écorce de bouleau, de racines de pin gris, de cèdre et de résine d’épinette. L’écorce de bouleau se pèle pendant les mois de mai et juin. |
Le décollement de l’écorce devient
plus difficile à partir de juillet. Le diamètre du tronc principal à sa base
doit faire environ 50cm pour la construction d’un canoë de cette taille, avec
une hauteur sans branches et sans trop de nœuds de 3,6m. L’arbre devant être
abattu avant de séparer l’écorce il faut prendre garde que l’écorce ne se
brise lors de sa chute. Quelques tours de main pendant le décollement de
l’écorce après incision et son traitement par exposition au soleil quelques
minutes de la face interne puis externe évitent que l’écorce ne se fende
avant pendant et après le transport. Ensuite l’écorce peut se stocker à
l’ombre pendant une période prolongée. |
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Les racines de jeunes pins gris courent à la surface du sol sur des longueurs importantes (environ 6 à 7m) ce qui facilite l’opération. Elles doivent avoir des diamètres compris entre 3 et 9mm et être stockées à l’ombre. Elles sont ensuite transformées en lanières propres au laçage du canot. Une seule coupe en long avec élimination des petites racines latérales est généralement suffisante. Elles sont ensuite enroulées et mise à bouillir pendant de longues heures ce qui leur confère une souplesse remarquable à condition de les conserver ensuite dans l’eau pour éviter qu’elles ne sèchent à l’air. |
L’autre
moitié était constituée de résine de pin (strobue).
Il faut plus d’un kilo de résine pour calfater proprement un canot de 3,5m et
il est nécessaire de rajouter de la graisse végétale en quantité appropriée
pour assouplir la résine et éviter qu’elle ne se casse, un peu de goudron
améliore l’étanchéité car le mélange ci-dessus est légèrement soluble mais la couleur noire
est moins belle. Aussi Albert Birote ne
rajoutât du goudron qu’à l’intérieur pour des raisons esthétiques.
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Le cèdre offre 3
qualités essentielles pour cette construction. C’est un bois léger, souple,
qui résiste à la putréfaction. Il pousse en région marécageuse. L’ensemble de
l’armature du canot, varangues, bordages, plats-bords
sont en bois de cèdre. Trois ou 4 bûches de 1,2m de long et de 21 cm de
diamètre sont nécessaires plus une longueur de 4m pour les lisses et les plats-bords. Les troncs sont fendus en deux sections dans
le sens de la longueur avant transport sur les lieux de fabrication et
entreposés dans l’eau pour que le bois garde sa souplesse. Le bois de bouleau
n’est utilisé que pour les 3 traverses. |
L’outillage le plus utilisé par l’artisan est le couteau croche. Il l’utilise avec une dextérité étonnante pour façonner les pièces essentielles de la construction d’un tel canot telles que les varangues et les étraves. Sa forme et la façon de le manier lui permettent de fabriquer des pièces d’une grande régularité. |
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Au lieu de pousser sur la poignée comme
on le fait avec un couteau ordinaire, on tire la lame courbée vers soit. la
main renversée sur le côté se déplaçant parallèlement à l’objet à
transformer. L’alène, utilisée pour percer
l’écorce afin d’y glisser les lanières de racine.
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Un
maillet en
bois pour pousser les varangues en position verticales à l’intérieur du
canot. Hache, scie égoïne et couteau ordinaire sont également utilisés lors
de la construction. |
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Les instruments de mesure sont au nombre
de deux, le Tsimotsigan utilisé pour mesurer la
hauteur des 3 traverses par rapport au fond du canot comprend 3 petites
encoches servant de point de repère. L’arrondissement du fond du canot lors de
la pose des varangues augmente notablement la profondeur du canot par rapport
aux cotes de cet outil en conservant les mêmes proportions. Le Tibwehitaban sert à contrôler l’intervalle entre les
varangues lors des séances de laçage. Une corde tendue horizontalement sert de
point de repère. Les moyens élémentaires permettant d’agir sur ces
matériaux sont la chaleur, l’eau et l’air et ceci tout au long de la
construction du canot. Le séchage à l’air libre est rigoureusement contrôlé car
le bois de cèdre sèche très rapidement et perd rapidement sa souplesse
lorsqu’il est exposé à l’air. Après un premier façonnage au couteau croche les
pièces de cèdre sont conservées dans l’eau pour éviter qu’elles ne sèchent.
L’artisan assure ensuite leur cintrage à la main, ne les exposant à l’air que
lorsqu’elles ont la courbure désirée. La pose des varangues est une application
remarquable de cette technique. Complémentaire de l’assouplissement par l’eau
la chaleur est utilisée sous forme d’énergie solaire. La face de l’écorce de
bouleau exposée au soleil se contracte, ce qui permet de contrôler son rayon de
courbure. De même l’eau chaude augmente la flexibilité du cèdre qui se cintre
plus facilement et les lanières de racines acquièrent une grande souplesse
après un bain prolongé dans l’eau bouillante.
L’artisan.
Au moment où j’écris ces lignes, Albert Birote qui
était âgé de 77 ans lors de cette construction aurait maintenant 117 ans s’il
est encore en vie, ce qui est peu probable. Je parlerais donc de lui au passé
en espérant qu’il me pardonnera si je me trompe. Il était réputé bon chasseur et bon
trappeur et bien sûr connu pour ses qualités d’artisan. Il faut dire qu’il
était le seul à connaître et à pouvoir appliquer ces techniques après la mort
du père de sa bru et la maladie de Pit Neashit de la même tribu son maître en la matière. Du
vivant de son père qui fit son apprentissage, les canoës en écorce de bouleau
semblaient d’usage fréquent et il fut l’adjoint de son père dans de nombreuses occasions. Après ce travail
d’apprentissage, il a construit pour son propre compte plusieurs canoës de ce
type. |
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Il n’a ensuite
pratiqué que pour les américains qui l’invitèrent à New York pour construire un
canot d’écorce et élever une cabane en bois rond. Il connaît les termes précis
de chaque partie du canoë. Il semble que l’authenticité des méthodes de
construction qui suivent n’ait pas souffert de cette période d’inactivité.
Cette impression est corroborée par l’attitude ainsi que par les réactions
favorables de Pit Neashit,
le vieil artisan malade qui a suivi le déroulement des opérations pendant la
construction. Ce dernier n’a eu qu’une réaction défavorable concernant la
profondeur du canot imposé par le Tsimotsigan
et je suis heureux de faire part au lecteur que j’ai eu la même réaction avant
d’écrire ces lignes. Dans
l’ensemble ses réactions ont toujours été positives alors qu’il était d’autant
plus porté à la critique qu’il se jugeait encore capable d’effectuer le
travail. Les réactions de Albert Birote
devant son œuvre étaient celles de l’artisan à la recherche de la perfection.
Il déplorait que l’écorce de bouleau ait gondolée à quelques endroits sous
l’effet de la poussée des varangues. Cette poussée avait aussi haussée
sensiblement les plats-bords à un ou deux endroits,
mais il s’agissait d’erreurs techniques mineurs pour lesquelles il existe des
correctifs bien déterminés*. La perfection du produit fini ne peut être
atteinte que par un artisan ayant pour lui l’habitude des mesures de proportion
et la précision des gestes répétés. Il est inévitable que des petites
différences aient existées dans la construction selon les tribus. Certains
auteurs notent par exemple que l’étrave se termine sous les plats-bords
au lieu de passer entre les deux lisses tel que la
construction est décrite ci-après. Ces détails sont sans grande importance et
il est normal que chaque artisan choisisse la technique qui convient le mieux à
son projet en tenant compte des performances souhaitées et de l’usage qui sera fait de l’embarcation.
Les
phases de la construction dans l’ordre chronologique sont :
L’assemblage des lisses et des traverses Cette
première phase consiste à assembler temporairement les lisses internes et les trois traverses
pour former un bâti qui servira de forme pour ébaucher les grandes lignes de
l’embarcation. |
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La traverse
centrale mesure 70cm de long et les deux
autres traverses d’une longueur de 50cm sont disposées symétriquement à
78,7 cm du maître couple situé par construction à l’emplacement de la traverse
centrale. Ce sont des traverses temporaires qui seront remplacées
ultérieurement par des traverses mieux façonnées cousues aux deux lisses. Leur
extrémité s’emboîte dans une mortaise creusée dans la lisse interne ;
Elles sont retenues en position par une cheville de bois posée
perpendiculairement.
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*Dans le cas de cette construction il
semble qu’il ait voulu corriger les 3 longueurs un peu faibles du Tsimotsigan par la construction de varangues un peu plus
longues afin de bomber le fond et augmenter ainsi la profondeur de
l’embarcation.
Le lestage du bâti et de l’écorce sur un lit de sable
Un sol plan et
sablonneux ayant une surface de 4m² (4x1) est bien adapté à une telle
construction.
Deux piquets
sont plantés au milieu de chaque extrémité et une cordelette tendue pour juger
de la courbure du lit et corriger éventuellement la planéité. L’artisan déroule
alors la feuille d’écorce sur le lit de sable la face interne de l’écorce
tournée vers le sol en prenant soin de centrer celle-ci pour obtenir une
parfaite symétrie.
Déroulement de l’écorce sur le lit
de sable |
Centrage de la forme sur
l’écorce |
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Le façonnage des côtés
Il est
nécessaire de couper transversalement l’écorce sur le côté pour assurer la mise
en forme de l’écorce. Il n’y a pas de mesures précises pour déterminer la
distance entre chacune de ces coupes. La première incision faite près de la
traverse du milieu est suivi de quatre autres coupes effectuées de part et
d’autre de cette dernière et à distance sensiblement égales l’une de l’autre.
L’endroit exact peut être déterminé pour éliminer un défaut de l’écorce et les
points de départ des incisions partent à proximité du cadre déposé sur
l’écorce. Deux
planchettes ayant 7 cm de largeur sont alors positionnées perpendiculairement à
l’axe longitudinal du canot et sous le cadre pour relever légèrement l’avant et
l’arrière et gironner la carène du canot.
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Entre
temps l’apprenti artisan a préparé 14 piquets d’environ 1,2 m de hauteur qui seront
enfoncées dans le sol meuble de chaque coté du cadre
après avoir relevé l’écorce le long des pierres. Chacun des sept piquets
disposés sur bâbord sont disposés symétriquement par rapport aux sept autres
piquets disposés sur tribord. Ces piquets sont plantés obliquement et sont
ensuite redressés en tirant sur la corde qui attache chaque piquet à son vis à
vis pour redresser l’écorce de bouleau. Afin d’éviter que cette dernière ne se
brise à l’emplacement ou elle s’appui
sur le bâti il peut être nécessaire de l’arroser d’eau chaude afin d’améliorer
sa flexibilité.
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Afin de maintenir
l’écorce en position verticale une deuxième série de piquets plus courts (60cm)
doivent être positionnés à l’intérieur du canot.
Ils sont
disposés parallèlement aux piquets extérieurs entre l’écorce et les pierres de
lestage. Taillés en biseau en partie basse pour prendre appui sur le cadre, ils
sont attachés en partie haute aux piquets extérieurs.
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Avant
d’assujettir les piquets internes sur les piquets externes en pinçant l’écorce
solidement entre les deux, l’artisan ajuste le chevauchement de l’écorce aux
joints. Etant donné la tonture et la cambrure de l’embarcation l’écorce se
recouvre partiellement lorsqu’on la replie. Ce recouvrement n’est pas laissé au
hasard. La règle est la suivante : considérant l’un ou l’autre bout du
canot, et pour n’importe quel joint, la section de l’écorce de bouleau la plus
proche du centre est placée à
l’intérieur et les joints seront cousus dans cette position. Les joints ainsi
disposés offriront une moindre résistance à l’eau qui glissera plus facilement
sur la coque.
A ce niveau de la construction, les femmes ne
procèdent qu’à un laçage partiel, chaque laçage commençant par un point d’arrêt
La pose des lisses avec découpage et laçage
L’écorce est
maintenant suffisamment rigide pour que l’on puisse enlever les pierres et les
piquets de soutien internes et hisser le cadre constitué par les lisses et les
traverses à la hauteur des plats-bords. Le fameux Tsimotsigan permettant de positionner les supports
de ce cadre à la bonne hauteur est utilisé. L’artisan coupe alors l’excédent
d’écorce débordant de la lisse interne en commençant par le centre et en
chevillant la lisse externe sur la lisse interne pour consolider l‘ensemble au
fur et à mesure que progresse la coupe de l’écorce. Il s’arrête à environ 60 cm
des extrémités lorsque la section des lisses commence à diminuer afin de
pouvoir réaliser ultérieurement une opération délicate : la tonture de
l’embarcation. L’artisan utilise le Tibwehitaban
pour tracer au crayon une marque servant à régler l’intervalle entre les
varangues et les parties ou doit être effectuées le laçage. Ce dernier est assuré avec les lanières préparées
avec les racines. Les femmes prennent celles-ci directement dans la cuve d’eau
chaude au fur et à mesure du besoin. La même lanière passe parfois deux fois
dans le même trou et environ dix tours de lanière sont nécessaires pour couvrir
chaque intervalle de laçage. L’extrémité de la lanière est soit coincée dans un
trou, soit pincée entre les deux lisses. Une fois le laçage terminé, les
piquets externes peuvent être démontés.
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Le découpage de l’excédent d’écorce |
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La pose de l’allonge
Lorsque la
longueur de l’écorce est insuffisante il est possible de rajouter une allonge qui
doit être inséré à l’intérieur de l’écorce principale avec un recouvrement de
l’ordre de 8cm. La coupe est effectuée en biais par rapport à la ligne des
grains pour limiter le risque de déchirure de l’écorce et le laçage est
effectué à double point le long de la ligne de joint. L’étrave et les varangues
n’étant pas encore misent en place, la découpe de l’écorce à l’avant du canot
n’est pas effectuée pour l’instant.
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Le mesurage, le cintrage et le séchage des varangues
Un canoë de
3,6m (12 pieds) nécessite 28 varangues. Ces dernières sont constituées par des
planchettes en cèdre de 6 à 9,5mm d’épaisseur et d’une largeur de 4,5 cm.
Taillées au couteau croche, les bords supérieurs de la varangue légèrement
arrondis, elles sont d’une régularité remarquable. Maintenues dans l’eau pour
assouplir les fibres du cèdre leur longueur initiale de 1,2m est ajustée à la
demande en fonction de l’emplacement de la varangue dans le canot. L’extrémité
est coupée en biseau pour faciliter l’insertion de la varangue entre l’écorce
et la lisse intérieure. Les varangues sont posées à plat sur les plats-bords dans les intervalles séparant deux séquences de
laçage en formant deux séries de 14 unités de part et d’autre de la traverse
centrale. Un trait au crayon est effectué sur les varangues à la limite de la
lisse intérieure pour localiser le cintrage à venir et l’emplacement de chaque
varangue par rapport au canot est repéré. Les traverses temporaires sont alors renforcées pour pouvoir supporter
la poussée des varangues. Après arrosage à l’eau bouillante, le cintrage des
varangues s’effectue à la main deux varangues à la fois en commençant par le
centre du canot. L’artisan cintre celles-ci sur ses genoux. Une première mise
en place permet de contrôler s’il est nécessaire d’accentuer ou non la courbure
afin que la varangue s’adapte convenablement au fond du canot.
Au fur et à
mesure que l’on se rapproche des extrémités le rayon de courbure du cintrage
diminue et une attention particulière est requise. Après une journée de séchage
les varangues peuvent être retirées du canot et conserver leurs formes.
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La finition des pinces et la consolidation de
l’armature
L’étrave qui sert de support terminal des lisses est en bois de cèdre. Longue de 61cm sa section est rectangulaire. Le lamellation facilite le cintrage qui est effectué à l’eau chaude. Après mise en place de l’étrave le canot est retourné sur deux chevalets et la découpe de l’écorce excédentaire est effectuée l’étrave servant de guide. L’écorce est ensuite cousue l’alène passant avec difficulté entre les lamelles de l’étrave. Les traverses définitives sont alors misent en place et le laçage de celles-ci effectuée avant mise en place du plat-bord au-dessus des deux lisses.
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Le calfatage de l’intérieur du canot
La calfatage des
joints avec une gomme préparée selon la description page est indispensable assurer l’étanchéité du
canot. L’adjonction de goudron améliore l’étanchéité et augmente les propriétés
adhésives de la gomme. Une bande de tissus de 7cm de large est posé à cheval
sur les joints et enduite de cette gomme avant la pose
finale d’une deuxième couche de poix.
La pose des bordés
et des varangues *
Le façonnage
des planchettes de bordage au couteau croche requiert une grande habileté et
une main sûre compte tenu de leur faible épaisseur (3mm environ). Les planches
de 1,2m de longueur et de 7,5 cm de largeur qui constituent les bordages sont
disposées longitudinalement jusqu’à la pince. Les planches situées au centre
recouvrent légèrement celles de l’avant et de l’arrière. La pose finale des
varangues est alors commencée en commençant par la pince et non par le centre
comme cela était le cas lors du cintrage. Il insère d’abord une série de
planchettes entre le support terminal des lisses et les parois de l’écorce.
Pendant que son adjoint tient les bordages dans cette position, l’artisan
s’avance avec la première varangue car il faut être deux pour mettre en place
la 1ère varangue No 14. Il positionne d’abord les
varangues dans une position inclinée avant de la redresser dans une position
sensiblement perpendiculaire à l’axe longitudinale de l’embarcation. Si les varangues
rentrent trop facilement en position, le canot manquera de solidité. Au
contraire si les varangues sont trop longues et poussent trop sur le fond et la
lisse interne lors de la mise en place l’artisan la retaille au couteau croche
pour corriger l’erreur. Lorsque l’ensemble des varangues est positionné en
position oblique elles sont redressées au maillet en petites frappes
successives jusqu’à ce qu’elles soient redressées. La raison de cette technique
est que cette opération éprouve fortement le revêtement d’écorce pour le bander
et assurer la solidité de l’ensemble en resserrant l’écorce, le bordé et les
varangues les uns contre les autres. Lors de cette opération l’écorce est
arrosée abondamment d’eau chaude pour lui redonner toute sa souplesse et d’éviter
toute déchirure de l’écorce et un calfatage supplémentaire.
Vue du laçage de l’allonge et de l’apitowan |
Pose du bordé et des varangues |
* Appelés respectivement par mon père les clins et les membrures (Voir
page 44)
Le calfatage des joints extérieurs et des pinces
Cette dernière
opération est faite à la spatule en faisant pénétrer la gomme chaude et
visqueuse à l’intérieur du joint en l’étendant de part et d’autre de la
fissure. La poix durcit en refroidissant. Comme pour le calfatage intérieur une
bande d’étoffe est posée à cheval sur le joint et une deuxième couche de gomme
osée sur celle-ci. Le canot- d’écorce est maintenant terminé et il ne reste
plus qu’à mettre à l’eau l’embarcation pour vérifier son étanchéité.
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Epilogue
C’est aux alentours des années 50 que mon père fut sollicité par le CCF pour rénover un canoë canadien authentique en écorce de bouleau originaire du nord Canada. Il accepta immédiatement. Bien qu’amputé de la main gauche, il était excellent bricoleur et construisait depuis plus de 10 ans déjà ses propres canoës canadien monoplace et biplace en version tout bois selon ses propres méthodes de fabrication. Le canoë était sérieusement endommagé et des éléments complets de l’embarcation devaient être remplacés.
Il avait quelques amis canadien dans
la région de Québec et par soucis d’authenticité il prit contact avec eux en
leur demandant de lui communiquer des informations sur les matériaux utilisés
par les indiens pour réaliser ces embarcations. Cette réparation fut une
réussite et la photo des essais avec mes jeunes fils sur l’étang des Ibis au
Vésinet le prouve. Depuis cette époque ce canoë a retrouvé sa place dans la
grande salle d’accueil du CKCF. Par la suite, il fut récompensé en recevant
un livre passionnant de Camil Guy ‘’Le canoë d’écorce à Weymontaching
‘’ traitant de la situation ethnologique des indiens de cette province
québécoise ainsi que des anciennes techniques de fabrication utilisés par les
Indiens de cette région du Canada pour construire leur canoë d’écorce. La
ligne admirable de ces embarcations et leur performance nautique leur ont
permis d’acquérir une réputation mondiale. Cette réputation explique que le
commerce se soit emparé de ses formes à défaut des techniques de fabrication
plusieurs fois centenaires et maintenant disparues. |
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C’est la
partie de ce livre relative aux techniques de construction à l’ancienne qui est
reprise et décrite ci-dessus. L’examen des photos du canot achevé semble
prouver que Albert Birote a
pris la décision de ne pas montrer les photos du canot construit par lui-même
lors de cet été 1966 mais probablement celles d’un canot construit au préalable
par son père. Peut-être a-t-il jugé que les petits défauts provoqués par les
cotes trop faibles du Tsimotsigan nuisaient à
l’esthétique de l’embarcation. Il a probablement voulu augmenter la profondeur
de celle-ci en arrondissant la carène quitte à cintrer un peu moins les
varangues ce qui a provoqué une déformation locales des lisses internes en
raison de la trop grande sollicitation mécanique verticale sur celle-ci lors de
la mise en place des varangues. Ceci l’a obligé par la suite à renforcer le
cadre. Dans un canoë, la pince est très sollicitée en cas de choc frontal de
l’embarcation. La description sommaire qui est faite des pièces telles que le giboorUn et l’apitowan
utilisée pour renforcer cette partie de l’embarcation ne m’ont pas permis de
comprendre toutes les subtilités utilisées par l’artisan pour renforcer son
embarcation dans cette partie. Il se peut aussi que Albert Birote
ait pris la décision de ne pas réaliser ces pièces quitte à réaliser une
embarcation moins solide ce qui ne présentait pas d’inconvénient compte tenu de
sa destination finale vers les musés nationaux canadiens. Il semble
que la construction du canot à l’ancienne et sans moule, les varangues étant
façonnées dans une forme concave demande plus d’habileté de la part de
l’artisan qu’une construction avec moule ou les varangues (appelés membrure par
mon père) sont cintrées à la vapeur d’eau en prenant appui sur le moule. Il est
probable que le père de Albert Birote
qui avait la même génération que celle de mon père réalisait déjà ses canots en
utilisant cette technique.
L’auteur de ce
site espère que l’amateur de culture indienne,
le navigateur ou l’artisan en mal d’authenticité trouveront matière à
réflexion dans cette petite histoire.
Lire également
l'histoire et les méthodes de construction d'un kayak en peau de phoque tels
qu'ils étaient réalisés par le Inuits au Groenland (Texte de Loïk Bourdon et
images de Guillaume Marion)