Le genre et le statut juridique des rivières


 Asexuées  les rivières ?

La question peut paraître ridicule, pourtant c’est lorsque mon amie américaine Sara est venue me voir lors de ses vacances à Paris et s’est inquiétée de l’heure de départ du bateau mouche sur ‘’le’’ Seine que j’ai pour la première fois pris conscience qu’à défaut de sexe et d’un statut de personnalité juridique comme cela se pratique en Nouvelle Zélande, elles avaient au moins un genre grammatical. La question s’est aussi posée lorsque qu’il a fallu nommer les petites rivières avec précision. Même pour quelqu'un qui n'a pas fait de longues études, les choses sont claires. Pas de confusion possible  avec les fleuves : c’est ‘’la’’ Dordogne et  ‘’le’’ Rhône.

Pas d’erreur possible non plus avec nos plus grandes rivières, c’est ‘’la’’ Marne ou ‘’le’’ Cher, toute confusion des genres à ce niveau choque chacun d’entre nous. Lorsque l'on a un doute, le "L"  apostrophe semble bien pratique, et pour simplifier, une tendance naturelle consiste aussi à penser que la rivière en cause est du genre féminin puisque le mot rivière est lui-même au féminin.

Cette façon de raisonner pour pratique qu'elle soit n'est pas valable. La racine de l'Aa (Agnona), la petite rivière la plus au nord de l'hexagone vient de Onna (source), et c'est uniquement pour cette raison qu'elle est probablement du genre féminin. Certes cela conduit dans ce cas particulier à des consonances curieuses : la Aa. La façon dont nous nous rattachons à notre histoire fait peut-être rire les américains, << la Aa, Ha ha ha ! >>, les bienheureux, ils n'ont pas tous ces problèmes et sont peut-être en droit de se moquer de nous. En commençant le guide des rivières par la lettre A, on se trouve donc tout de suite confronté à des problèmes. Supposons par exemple que l’on descende l’Ariège* et qu’en arrivant à Cintegabelle on décide, pour une fois, de remonter son affluent en tournant à droite sur l’Hers. Jusque-là tout va bien, mais si l’on souhaite personnaliser un peu plus la rivière et que l’on écrive  < sur la ‘’Grande Herse’’ > et bien on a tout faux*. Lorsque l’on découvre une nouvelle rivière, ça peut devenir plus délicat. L’affluent du  Guiers est-il ‘’le’’ Tier ou ‘’la’’ Tier ?  Pour la Tardes affluent rive gauche du Cher le doute peut s’installer. Parfois, curieusement, si l’on continue à remonter la rivière ça peut devenir soudain plus facile. Lorsque l’on arrive par exemple au confluent de la Voueize le doute ne s’est pas installé et il ne vient pas à l’esprit d’écrire au confluent de ‘’le’’ Voueize. Il faut toutefois se méfier de ses intuitions. On n'enseigne pas à l’école l’hydronymie, cette branche de l’onomastique qui étudie l’origine du nom des cours d’eaux en tenant compte de l’environnement historique, géographique et social. Dommage, cela éviterait des erreurs. Les rivières ont une histoire et il faut remonter très loin dans le temps pour avoir réponse à ces problèmes de genre. On peut presque parler d’histoire ancienne.

 

La rivière personnalité juridique ?

Les français aiment leur rivière. Pour cette raison les candidats qui promettront lors des élections présidentielles de prendre des actions allant dans le sens de l’amélioration de leur écosystème inspireront plus confiance que ceux qui n’ont aucune vision de ces problèmes. Des pourparlers pourraient s’engager dans ce sens avec l’exécutif. Il s'agirait de donner à la rivière un statut différent de celui qui est le nôtre actuellement. Ceci comme le font les néozélandais qui ont donné à leur rivière Whanganui un statut de personnalité juridique. Un tel statut faciliterait de toute évidence les négociations permettant d'améliorer la dépendance actuelle de nos rivières à l'énergie en rendant vie à  leur écosystème. Un exemple des avantages que pourrait en retirer la région IDF est décrit ici à titre dexemple pour la Seine. Interdire aux parisiens de se baigner dans leur fleuve alors que le Président Chirac nous avait promis que l’on pourrait le faire de son vivant comme le font d’ailleurs régulièrement et pour leur plus grand bien les habitants de Bâle dans le Rhin, c'est reconnaitre implicitement le fleuve qui traverse la région IDF comme une personne malade qu'il devient urgent de soigner. Une fois guérie je suis certain qu'elle nous le rendra au centuple. Il n'est pas question ici de remettre en cause l'utilité de nos grands barrages à lac et leur grande retenue qui produisent l'essentiel de notre électricité d'origine hydroélectrique. Ces barrages font partie de notre patrimoine et nous devons les entretenir. Il est par contre question, vu le caractère aléatoire de leur faible production électrique, de s'interroger sur l'utilité de tous ces barrages "au fil de l'eau" sans retenue amont significative. N'est-il pas légitime de s'interroger sur le bien-fondé de transformer nos rivières à saumons en escalier au mépris de leur écosystème et du tourisme nautique itinérant si l'on transforme ensuite la faible quantité d'énergie électrique qu'elles produisent en chaleur avec l'effet joule pour chauffer l'habitat. Il semble essentiel aux Lutins  thermiques et nautiques que nous sommes de dire et de redire au politique qu'il est stupide de dégrader à ce point un fluide noble et onéreux comme l'électricité pour le transformer ensuite en chaleur avec l'effet joule vu son COP de 1 et ses performances déplorables. Ceci alors que l'on pourrait en profitant de la présence du fleuve généraliser dans nos plus grandes métropoles et la plupart de nos régions françaises la même production de chaleur avec un COP de 5 en consommant 5 fois moins d'électricité. Ceci en minimisant la consommation d'énergie finale autant électrique que fossile et en évitant de transformer nos rivières à saumons en escalier. Voire même en supprimant totalement la combustion pour le plus grand bien de l'air de nos villes pour celles d'entre elles qui peuvent bénéficier de l'apport de l'eau géothermale et ceci avec des COP encore supérieurs. Il suffirait pour cela de débloquer nos chaines énergétiques véritablement à l'agonie en prenant enfin conscience que l'énergie thermique transmise pour refroidir nos fleuves et nos rivières en les oxygénants, c'est de l'énergie thermique renouvelable reçue pour chauffer l'habitat urbain. Cela serait aussi une occasion de tenter de dépolluer nos rivières et en particulier la Seine pour le plus grand bien de la normandie en respectant laen profitant du réseau aspirant et rejetant l'eau dans le fleuve. Et ceci peut-être encore plus économiquement que ce qui se fait précisément en Nouvelle Zélande   


* L’Ariège est probablement du genre masculin. D’après le site http://crehangec.free.fr/rivac.htm#a  le mot Ariège vient de aurigera, porte d'or, qui vient lui-même de auris (or) et auparavant cette rivière portait le nom basque de Erreka (celui qui irrigue). Quant à l’’Hers, cette rivière est aussi du genre masculin. Hers vient de ertz, rocher granitique du genre masculin. Les cartes Michelin mentionnent le Grand Hers (appelé aussi Hers vif pour le distinguer de son frère l’Hers mort)