Le préjudice écologique consacré par la loi
Sous le coup d'une mise en demeure de la Commission
européenne et à quelques jours de la présidence française de l'Union européenne,
les députés ont adopté fin juin 2008, le projet de loi sur la responsabilité
environnementale (LRE) qui introduit le principe du «pollueur-payeur» dans le droit français. Les entreprises seront
maintenant tenues de réparer les atteintes graves et les dommages causés à la
nature constatés dans les cas de pollution des sols, d'atteinte à la qualité
des eaux ou à la survie des espèces. « Pour la première fois, le droit français
reconnaît que la biodiversité a un prix et qu'elle rend des services à la collectivité
».
Le nouveau dispositif comporte cependant un point
faible. Il s'agit de la responsabilité des sociétés mères à l'égard de
leurs filiales lorsque celles-ci sont insolvables et de l'obligation pour les
exploitants de provisionner financièrement ces risques écologiques. Ce
difficile sujet, qui concerne la concurrence et les prix parfois très bas
consenti à la société mère par leur sous-traitant pour remporter le marché a
été renvoyé à une prochaine négociation des ministres de l'environnement
européens qui doit se tenir début juillet à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
Cette loi - si elle est appliquée - pourrait être
une bonne nouvelle pour les rivières et leur sous-sol alluvionnaire dans le cas
de pollution industrielle au PCB telles que celles infligées au bas Rhône et à
la Seine ou aux atteintes à notre écosystème
rivière dans le cadre de l'eau libre sur nos rivières à Saumons. Concernant la
mer et la pollution marine, le principe du «pollueur-payeur»
s'appliquera en cas de marée noire. Les amendes encourues par les
capitaines de navires responsables de rejets de produits polluants en mer
pourront atteindre 15 millions d'euros dans le cas de « faute intentionnelle »
et ne seront plus calculées sur la base de la valeur du bateau et des marchandises
transportées. «Ce système était inadapté puisque par
définition les bateaux poubelles ne valent pas grand-chose et que de plus
c'était parfois aussi le cas de leurs cargaisons, comme le fioul lourd de
l'Erika. »
Dans le cadre de la préservation de l'écosystème
constitué par nos rivières le petit monde du Canoë-Kayak attend avec impatience
les retombées qui peuvent résulter de l'inscription du préjudice écologique
dans le code civil. Il espère que la loi du sénateur de Vendée Bruno
Retailleau et adoptée à l'unanimité au Sénat en 2013 ainsi que les travaux présidé par Yves Jegouzo,
professeur de droit public à l'université de Paris vont déboucher sur des
pénalités suffisamment dissuasives pour stopper la pollution, le terme
pollution étant pris ici au sens large de l'eau
propre pour la santé et de l'eau
libre pour la sécurité sur nos rivières. Ils estiment qu'il est juste que
les sanctions financières appliquées aux pollueurs "par accident"
soient appliquées en réparation du préjudice commis et que ceux qui polluent de
manière intentionnelle, espérant en tirer un gain ou un profit
au prétexte que polluer revient parfois moins cher que de
respecter la réglementation, soit pénalisés plus durement. Les sommes prélevées
n'excéderaient pas 2 millions d'euros pour une
personne physique mais pourraient être beaucoup plus importantes pour les
entreprises notamment les multinationales. Il est en effet question
de porter dans ce dernier cas ces pénalités jusqu'à 10 % du
montant du chiffre d'affaires réalisé l'année précédant la faute. Il s'agit
donc de sommes qui peuvent être considérables permettant à la fois de réparer le préjudice écologique et mais aussi de
dissuader les entreprises d'en commettre. La gestion des sommes
récoltées pourrait alimenter un "fonds
de réparation environnementale" qui pourrait être confiée à la Caisse
des dépôts et consignations.
Il est aussi question de créer une "haute
autorité environnementale" ayant pour mission l'évaluation,
la régulation et la surveillance des atteinte à l'environnement
afin d'assurer la prévention au à défaut la réparation des dommages causés à
l'environnement". Un consensus semble se dégager vers une
"haute autorité environnementale" indépendante des parties politiques
et hors tutelle du ministère de l'écologie et du développement
durable. Une large concertation avec toutes les parties prenantes et
particulièrement avec nos parlementaires va être lancée pour faire aboutir ce
projet qui, on s'en doute, pourrait provoquer l'ire de sociétés telles que Total.
Notre ministre de la justice va en effet, prudence oblige, compte tenu du
contexte politique difficile, devoir lancer une large consultation associant le ministère de l'écologie. Sauf retard, ce
nouveau projet de loi sera présenté au conseil
des ministres début 2014. Aucune date n'a encore été précisée pour son examen
au parlement.