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Energies renouvelables contre biodiversité

 

Notre biodiversité est en danger. Selon WWF les écosystèmes n’ont jamais été autant menacés. Alors que la faune des milieux d’eau douce a régressée de 81% entre les années 1970 et 2012  selon le journal le Monde, il serait temps de s’interroger sur les causes de cette décadence. Les nouvelles directives européennes fixées à la France de sauvegarder la biodiversité d'une part et développer les énergies renouvelables d'autre part sont malheureusement deux objectifs contradictoires. Les barrages hydroélectriques qui fournissent encore actuellement la quasi-totalité de l'énergie dite renouvelable dans notre pays sont naturellement concernés par ces directives.

 

Les barrages : Une source d'énergie propre qui perturbe les rivières

 

Il y a en France environ 500 ouvrages hydrauliques importants à grande retenue, "les barrages à lacs". Construits en France principalement au milieu du siècle dernier ils produisent environ 10% de l'électricité nationale. Ils permettent, trop peu souvent avec les "lâchers d’eau", de descendre des parcours qui sans eux seraient à sec en été, mais ils fournissent une électricité bon marché, mobilisable rapidement et aisément lors des "pointes" de consommation. Il ne viendrait maintenant à personne l'idée de contester que l'énergie électrique délivrée par ces grands et imposants barrages hydroélectriques est une source d'énergie renouvelable, « propre » et bon marché, qui ne dégage pas de gaz à effet de serre contrairement aux centrales thermiques mobilisable aisément lors des "pointes" de consommation. Le problème est que, défit à notre charte de l'environnement, la quasi-totalité de l'énergie renouvelable de notre pays (environ 99%) est assurée par ces barrages hydroélectriques. Cette production est relativement faible en valeur relative en comparaison des conséquences importantes sur l'équilibre écologique des cours d'eau qui en résulte. Mais comme on vient de le dire, ces 10%, représentent tout de même sensiblement l'équivalent de 5 réacteurs nucléaires de 900 mégawatts. Le petit monde du Canoë-Kayak considère que ces grands "barrages à lacs", font maintenant partie de notre patrimoine énergétique. Correctement entretenus et utiles à la stabilisation du réseau électrique, leur utilité et leur rentabilité est telle qu'elle se saurait être contestée et l'on a petit à petit accepté leurs inconvénients. La France, en accord avec l’objectif de la directive européenne de doubler la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité à l’horizon 2020, soit de porter ce pourcentage à 20% en lieu et place des quelques 10% actuels, ne saurait bien évidemment se passer de ces barrages fournissant une énergie électrique, renouvelable et propre et économique. Ce sont certes des obstacles à la circulation, mais bien entretenus pour maintenir leur dangerosité au niveau minimum, disons qu'ils font partie de notre patrimoine. Il faudra faire avec. Par contre, vouloir confier à l’éolien l'essentiel de cette progression dans l'espoir de limiter la génération de gaz à effet de serre relève probablement de l’utopie. Ce n’est pas la puissance des éoliennes lorsque le vent souffle à l’optimum qui est en cause, ce pourrait être l'absence de puissance lorsque le vent fait défaut. La meilleure preuve est bien ce qui arrive à un comme le Danemark qui a développé à grande échelle la production d'énergie positive basée sur les éoliennes et est, de tous les pays européens, le plus mauvais élève en terme de production de gaz à effet de serre. Cette situation paradoxale s'explique par le fait qu’en l’absence de vent, ce pays plat, sans grand barrage hydroélectrique, n'a actuellement pas d'autre solution que d'assurer sa production électrique par la pire des chaînes énergétique, celle consistant à utiliser des turbines à gaz pour produire de l'électricité lorsque le vent fait défaut, ce qui est trop souvent le cas. Quoiqu’il en soit, au moment où les concessions de 75 ans attribuées à l’EDF pour la plupart de ses barrages arrivent progressivement à échéance, il devient indispensable et urgent d’arrêter de penser uniquement en terme d’hydroélectricité ou d'éolien pour augmenter la part des énergies renouvelables. Force est de constater en effet que la construction d'un barrage bloque l'écoulement des sédiments, fait varier brutalement les débits en aval de celui-ci au détriment de la sécurité, empêche ou freine la migration des poissons et nuit au développement des activités nautiques dans notre pays qui souhaite développer le tourisme.

Contrairement aux "barrages à lacs" les "centrales au fil de l'eau" ne disposent pas de capacité de stockage importante et ne produisent de l'électricité qu'en fonction des apports en eau du moment. Leur production, trop souvent irrégulière, dépend directement du niveau des eaux et des précipitations. Elles sont parfois heureusement situées en plaine sur des cours d'eau dont le débit reste important comme le Rhin ou le Rhône. Par contre, lorsqu’elles sont situées sur le cours supérieur des rivières, les dommages importants qu'elles créent en morcelant la rivière, en bloquant l'écoulement des sédiments, en faisant varier brutalement les débits en aval au détriment de la sécurité, et en empêchant ou en freinant les poissons migrateurs tels que l'anguille et le saumon, ne sont pas compensés par leur production énergétique qui reste faible et irrégulière. Extrêmement dangereuses, elles n'ont pas de réserve supérieure significative et de ce fait, elle ne présente d'intérêt, ni pour les sports d'eau plate, ni pour les sports d'eau vive, les "lâchers d’eau", qui permettent parfois de descendre en été un parcours qui serait normalement à sec étant trop courts. Si nous voulons redonner vie à nos rivières et sauver ce qu’il en reste, les concessions qui arrivent progressivement à échéance pour ces barrages ne devraient donc pas être renouvelées et en aucun cas de nouvelles concessions accordées comme cela vient d’être le cas sur le Rizzanese en Corse.  Espérer limiter la génération de gaz à effet de serre en augmentant les 0,3% de la production totale de ces "Centrales au fil de l'eau" n'a pas de sens. De même, évoquer le fait que la production d’énergie renouvelable d’origine hydraulique pourrait diminuer sensiblement si l’on augmente le débit qui doit rester dans la rivière (débit réservé) en période de basses eaux, montre un mépris flagrant pour l’écosystème constitué par la rivière. Réaliserait-on enfin que ces barrages hydroélectriques sont un obstacle aux poissons migrateurs tels que l'anguille et le saumon ? Qu’ils empêchent la descente du touriste nautique vers l’aval et surtout qu'ils affectent l'écosystème constitué par la rivière ? Il devient indispensable et urgent d’arrêter de penser uniquement en terme d’hydroélectricité ou d'éolien pour augmenter la part des énergies renouvelables. On ferait mieux en France de reconsidérer la façon dont on consomme l'énergie électrique pour se chauffer.

 

Sur quelques rivières, se pose donc la question de la démolition de quelques barrages de taille moyenne ayant vocation à produire de l'électricité en raison de leur nuisance sur l'environnement. Le barrage de Poutès Monistrol  sur  l’Allier figure parmi eux. Sa démolition, qui a été reportée depuis trop longtemps semble maintenant devenue irrémédiable. On conçoit que les pêcheurs et les écologistes se soient mobilisés contre l'ultime verrou pour les saumons que constitue ce barrage voûte sur l'Allier. Il est temps que leur vœux soient exaucés et que ce barrage soit démantelé afin de rendre à la rivière son caractère naturel et au saumon son lieu de ponte. Cette démolition serait une suite logique à la démolition du barrage de Saint-Etienne du Vigan où l'Allier a retrouvé son charme naturel.  Elle permettrait aux saumons d'atteindre les meilleures frayères situées en amont et ces zones de galets où ils se reproduisent. Le saumon a vu ses effectifs fondre de 99% depuis 1890. Lorsqu'il choisit la rivière au fleuve en arrivant au Bec d'Allier, il ne se doute pas qu'il va être bloqué en se dirigeant vers ses frayères, une centaine de km en amont par les 17 mètres du barrage de Poutès. Sur une rivière qui coule loin des villes et relativement propre comme l’Allier, ce barrage est clairement identifié comme la première cause du déclin du saumon devant la pollution dans cette vallée. C'était sa richesse, on venait le pêcher de partout, témoignent les habitants de la région qui rêvent de pêcher de nouveau le saumon avant qu’il ne soit trop tard. Ils sont tout naturellement opposés au renouvellement de la concession du barrage octroyée à l’EDF il y a environ 75 ans et qui est arrivée à échéance en 2007 et nous serons bientôt en 2012. En supposant que les saumons « passent » un peu au barrage de Poutès en raison des améliorations qui lui ont été apportées, soit vers l’amont à l’aide de l’ascenseur à poisson, soit vers l’aval lorsqu’ils utilisent le toboggan pour leur long voyage1) vers la mer, l'obstacle constitué par le barrage et la manque d'eau en aval de celui-ci freine incontestablement leur progression. Même bien équipés, les barrages sont autant d'obstacles qui retardent le jeune saumon dont le temps est compté et qui n’a qu’un mois et demi pour atteindre la mer, avant que la température de l'eau ne s'élève trop et qu'il s'asphyxie en juin dans les estuaires. Comme le faisait justement remarquer l'expert en la matière Michel Marinier " Il ne faut pas oublier que l'établissement d'une passe à poissons n'est qu'un pis-aller et que si l'on a le choix entre l'effacement de l'obstacle et la construction d'une passe la première solution est de loin la meilleure". Evoquer uniquement la pollution et la pêche à l’embouchure, le fait que la démolition du barrage priverait la commune de la taxe professionnelle qu’elle retire de son existence sont autant de mauvaises raisons qui relèvent d’un certain mépris pour la rivière et son écosystème. A chaque barrage, le saumon hésite entre l'eau qui court vers les turbines et le filet d’eau qui l'amènera sain et sauf au toboggan. En final, bien peu des jeunes saumons déversés artificiellement en amont dans les salmonicultures survivent. Le touriste nautique est également concerné par ces décisions, il souhaiterait pouvoir descendre l'Allier, une des dernières rivières française à courir loin des villes, de Langogne au bec d'allier à bateau chargé. Il souhaiterait que l'on cesse d'évoquer le fait que la production d’énergie renouvelable d’origine hydraulique pourrait diminuer sensiblement si l’on augmente le débit qui doit rester dans la rivière (débit réservé). Particulièrement en période de basses eaux, ces propos prouvent selon lui un mépris flagrant pour l’écosystème constitué par la rivière. La France aura gagné en partie sa bataille pour la biodiversité 1) lorsque le saumon (salmo trutta) pourra remonter l'Allier jusqu'à Langogne et le touriste nautique la descendre à bateau plein sur plus de 300 km de Langogne au bec d'Allier son confluent avec la Loire, et pourquoi pas sur près de 1000 km avec les jeunes smolts jusqu'à la mer.

 

Reste un type de barrage trop peu souvent évoqué appelé STEP qui pourrait, moyennant une implantation sur nos petits torrents alpestres et une adaptation de notre réseau, participer intelligemment à fournir les pointes de puissance sans recourir aux énergies fossiles compte tenu de sa capacité à stocker l’énergie électrique fournie par les éoliennes lorsque celui-ci souffle et à la restituer à la demande.

 

 

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Le barrage de Poutès sur le haut Allier tel qu’il est représenté sur cette photo

peut être considéré actuellement avec sa retenue de 3 km de long

comme un grand "barrage à lac".

Il pourrait être transformé dans les années qui viennent par l’EDF en « barrage au fil de l’eau »

 

1) Dans le cas des très longues rivières comme la Loire, le succès du repeuplement dépend principalement de la capacité physiologique des très jeunes saumons (smolts) à effectuer la très longue migration de dévalaison et à s’adapter au milieu marin. La qualité de l'eau à l'arrivée, c'est à dire dans l'estuaire de Saint Nazaire joue également un rôle important pour le jeune saumon en début de croissance. La première bataille engagée et gagnée par Jacques Chirac est l'ajout à notre constitution de la charte de l'environnement, la deuxième a malheureusement perdue par l’ancien Président de la FFCK avec le barrage sur le Rizzanese ne signifie pas toutefois que la FFCK a perdu la guerre. La troisième véritable bataille pour la biodiversité, commencée sous l'action de Roberto Epple, Président de SOS Loire vivante et qui vise à arrêter de mutiler nos rivières avec les " centrales au fil de l'eau", n’a pas été totalement gagnée. Les travaux du barrage de Zoza sur le Rizzanese suivent leur cours et l'EDF en l’absence de politique énergétique claire a visiblement quelques difficultés pour satisfaire toutes les parties et à trouver une solution technique conservant la production électrique du barrage de Poutès  en solutionnant dans le même temps l'impact nuisible sur la vie aquatique.

 

 

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