La grande braderie de la houille blanche ?
L’hydroélectricité
doit être valorisée à son juste prix et non concédée pour le plus grand profit
des exploitants privés.
Dans le
feuilleton de l'ouverture à la concurrence de notre marché électrique, et des
rentes qu'elle génère pour les actionnaires, l'on oublie souvent d'évoquer le
cas des barrages et divers ouvrages hydrauliques qui structurent nos montagnes
et nos vallées. Pourtant, ces aménagements vont bientôt, au détour de la
parution d'un décret fixant les conditions de renouvellement des concessions hydroélectriques,
faire eux aussi le bonheur de quelques heureux investisseurs. Et à quel prix !
Car il s'agit là d'un véritable trésor. Un tas d'or d'autant plus inestimable
que la ressource génératrice - l'eau – est stockable, renouvelable et
inaliénable, et que la chaîne énergétique, relativement simple par rapport aux
autres moyens de production, permet d'obtenir un kWh bon marché avec un taux
d'émission de CO2 proche de
zéro. Qui plus est, cette houille blanche est, avec le nucléaire, l'autre
grande spécificité de notre parc énergétique : Les 400 ouvrages concessibles
d'une puissance de plus de 4,5 MW produisent près de 80 % de notre énergie
d'origine renouvelable et constituent un apport d'énergie tout à fait
déterminant. Avec un potentiel moyen de 14 % de la production, la France se
positionne au huitième rang mondial et au deuxième rang européen derrière la
Norvège. L'énergie hydraulique constitue un capital et assure une rentabilité
considérable issus du secteur public. Depuis une loi
de
Après
l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, le changement du
statut d'EDF en société anonyme en 2004 et la suppression en 2006 du droit de
préférence dont elle jouissait sur le renouvellement est désormais soumis à une
mise en concurrence au moyen d'une procédure d'appel d'offres. Le législateur,
au détour de la loi de finances pour
Dans ce
contexte, l'hydroélectricité doit plus que jamais être
valorisée à son juste prix. L'intérêt de la collectivité est de pouvoir
disposer d'exploitants performants aptes à valoriser ce capital public, et
rétribués en fonction de leur résultat. A la collectivité de définir dans
quelles conditions elle entend mettre sur le marché ses concessions
hydrauliques (partage des usages, variation des débits, débits réservés,
sûreté...), aux prétendants d'offrir le meilleur prix pour l'exploitation de ce
bien. A l’inverse, il est prévu de transformer ce formidable potentiel de
ressources publiques en dividendes pour les actionnaires des nouveaux
concessionnaires. Le manque à gagner sera très important pour la collectivité,
alors que le bénéfice tiré de l'investissement public dans l'hydroélectricité
pourrait utilement financer les politiques de développement durable. A l'heure
où les besoins de financements sont considérables pour répondre aux objectifs
de développement de nos énergies renouvelables et de réduction significative de
nos émissions de gaz à effet de serre, cette répartition de la rente
hydraulique jouera à contre-courant de l'intérêt général. Espérons, à
l’occasion des débats sur les lois du Grenelle de l'environnement, que le
gouvernement acceptera de renoncer à cette grande braderie de notre parc
hydroélectrique et qu'une partie non négligeable de cette manne au travers
d'une modification des règles de financement sera affectée
à l'aménagement de nos rivières sur les parcours dits touristiques. .
Le futur bénéficiaire de la rente de la « houille
blanche » doit être le citoyen, grâce à des recettes publiques conséquentes,
affectées prioritairement aux politiques décentralisées de développement
durable.
Article du
Monde du mardi
François Brottes Député (PS) de l’Isère et coprésident du
groupe Energies de l’Assemblée nationale
Bernard Revil Salarié chez EDF