Au moment où le droit au loisir semble communément
reconnu, on peut se demander si les moyens mis en œuvre pour améliorer les
conditions de circulation sur nos rivières lors de la pratique du canoë-kayak
sont suffisants.
Les grands barrages EDF
Que l’on
en condamne le principe ou les résultats, entre 1945 et 1965 et après la
2ème guerre mondiale, la France a
équipé ses rivières les plus importantes de 120 grands barrages producteurs d’électricité dont 58 barrages voute (principalement de conception
André Coyne) pratiquement tous les sites
qui pouvaient l’être. Ces grands barrages, du type voûte ou poids ont parfois
noyé des sites particulièrement pittoresques mais en contrepartie les plans
d’eau intérieurs créés, lorsqu’ils sont accessibles, sont offerts pour la
pratique de la voile ou du motonautisme. Malgré les nombreux barrages
implantés sur nos plus grands fleuves et rivières il y a en France
métropolitaine 8500 km accessibles aux bateaux touristiques. Il y a aussi les
barrages producteurs de taille moyenne au fil du courant sur les rivières de
plus petite taille. On peut regretter qu’il n’y ait que trop rarement un moyen
de passage, un lieu de débarquement et de remise à l’eau commode pour
franchir ces grands obstacles. L’investissement en regard du coût de
l’ouvrage aurait été négligeable. Y a-t-on seulement pensé ? A-t-on
aussi pensé que certains d’entre eux, particulièrement sur l’Allier,
empêchent la migration des saumons vers l’amont. Leur démolition, qui a été
reportée depuis trop longtemps, est devenue maintenant irrémédiable. Une
maigre consolation pour le touriste nautique, des lâchers d’eau permettent -
trop rarement il est vrai - de descendre des parcours qui sans eux
seraient à sec en été.
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Les barrages régulateurs
Et puis entre ces ‘’grands’’ et ces ‘’petits’’ barrages, il y a ceux
construits pour aménager l’écoulement de la rivière et permettre la navigation
à l’étiage. On a d’abord construit des barrages dits ‘’fixes’’, et l’on
(La VNF) s’est aperçu qu’en période de crues ceux-ci devenaient des obstacles à
l’écoulement de l’eau et provoquaient des inondations en amont. Qu’à cela
ne tienne, on a alors construit des barrages dits ‘’mobiles’’ qui peuvent
laisser passer librement le débit en période de crues et soulager l’étiage en
période de basses eaux. D’abord semi-mobiles et pénibles à manœuvrer
manuellement, les barrages à aiguilles ou à fermettes ont été automatisés. On a
vu alors arriver les barrage soi-disant "régulateurs de crues" à
vannes, à cylindre, à hausses, et puis enfin à clapets. Trésors d’ingéniosité
mécanique, ces derniers modèles régulent dit-on de "mieux en mieux",
mais force est de constater qu’ils peuvent être excessivement
dangereux pour ne pas dire mortels lorsqu'un kayakiste ou un
canoéiste commet l'imprudence de s'en approcher. Certains de ces barrages n'ont
plus raison d'être et ont été démolis. Beaucoup
d'autres ne le sont pas encore
Les anciens moulins, les microcentrales
et les petits ouvrages hydroélectriques
Il y a aussi un trop grand nombre de barrages construits sur les rivières
dites non navigables.
Ce sont parfois les vestiges de vieux moulins souvent réaménagés en
résidences secondaires ou encore en microcentrales productrices d'électricité.
Si des déversoirs existent, ils devraient permettre le passage des
embarcations. On doit malheureusement constater qu'ils sont très souvent
inutilisables et dégradés. Des glissières ont parfois été aménagées mais elles
ne sont pas toujours d'une sécurité suffisante (profil dangereux ou position
trop éloignée de la berge d'où une sécurité active est possible). On sait
maintenant que c'est la Fédération de Canoë-kayak (FFCK) qui est chargé de
coordonner le travail d’aménagement acquis au titre du "droit de
passage" et de la loi sur l'eau. Ce travail a été commencé sur de nombreux
parcours mais est loin d’être terminé. Il faut dire, vu l'ampleur de ce
travail, que ce n'est pas un ou deux responsables à la FFCK qui peuvent manager
les contacts avec les propriétaires riverains, les Ponts et Chaussées, la VNF,
l'EDF ou autre autorité concerné par l’entretien ou l’aménagement de ces
sites. Doit aussi et surtout être décidé qui finance la dépense étant souvent
supérieure aux possibilités financières des propriétaires riverains. Quant aux microcentrales elles
peuvent nuire dans certains cas à la qualité du tourisme nautique et elles ne
sont pas souvent adaptées à notre environnement. Ce sont parfois des
concessions qui se transmettent au sein d’une même famille à l’initiative de
particuliers au détriment du bien collectif. Pour quelques KWh de plus, le
débit non dérivé devant être laissé pour le passage des embarcations n’est pas
respecté. Heureusement, dans les cas nuisant trop à l’environnement, la
mobilisation des associations à l’échelon local permet parfois de faire échec
aux nouveaux projets et au renouvellement des concessions.
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Le passage d’une glissière qui permet de descendre une
rivière sans portage en toute sécurité et pourquoi pas à bateau plein, est
non seulement très agréable mais est aussi une ouverture vers le tourisme de
découverte. L'eau libre ça doit être aussi la possibilité d'accéder à la rivière. Le canoéiste rencontre encore, particulièrement sur les parties amont, un autre type d’obstacle : la clôture qui l’empêche d’accéder à la rivière, voire celle qui lui barre complètement le passage ou qui l’empêche d’accoster en urgence si une difficulté imprévue survient. L'abandon des anciens chemins de servitude qui permettaient d’accéder à un lavoir, un abreuvoir, ou un gué n'est pas étranger à cette situation. Les propriétaires riverains ont été tentés de poser des clôtures qui privatisent ainsi un chemin sur lequel plus personne ne passe (ou au contraire trop de monde selon eux). Il y a aussi toutes les clôtures à usage agricole plantées de part et d’autre des ponts qui sont précisément les points choisis pour la mise à l’eau ou le débarquement des bateaux. En France, un riverain propriétaire d'un terrain en bordure d'une rivière non domaniale a la jouissance exclusive de celle-ci jusqu'à sa ligne médiane, ce qui sous-entend que si la rivière traverse son terrain, il pourrait empêcher le passage par un barbelé**. Nos amis allemands ont su mieux que nous défendre leurs rivières. Elles sont domaniales avec un passage de plusieurs mètres sur chacune de leurs rives. En Allemagne la rivière est plus accessible au pagayeur qu’en France et le tourisme itinérant sur rivière y est plus développé. Ne pourrait-on faire la même chose en France ? |
Pour assurer sa tranquillité, le préfet abuse-t-il trop
souvent en France de son droit d'interdiction au titre de la sécurité?. Pour la rivière comme pour la
montagne ou la spéléo, il devrait être interdit d'interdire. Les actions
du Préfet de région devraient être consacrées prioritairement au respect de "la loi sur l'eau", à la sécurisation de la rivière et à son aménagement.
La région du Limousin a décidé par exemple de montrer l'exemple sur la basse Vienne en aval de Limoges
suite à un accident mortel sur un barrage. Il pourrait appartenir à la
FFCK* de vérifier après quelques années si les promesses ont bien été
tenues.
* Fédération française de canoë-kayak)
· **
Cette pratique, contraire au droit de passage et pour criminelle qu’elle soit
n’est pas explicitement interdite par les textes réglementaires.
La FFCK
Il n’existe en France qu’une petite commission de deux
personnes à la FFCK* chargée des problèmes
spécifiques aux activités itinérantes dans le cadre de la pratique du canoë
kayak sur les rivières françaises ; ce qui semble bien faible compte tenu
du travail très important à accomplir. Il est accordé au marcheur un droit de
parcours sur tous les GR et il semble légitime que cette même facilité soit
accordée au canoéiste pour la pratique de son sport. Nous pouvons aider cette
petite commission à convaincre les
pouvoirs publics d'améliorer le tourisme nautique en France. Certaines décisions prises à la
suite du Grenelle de l’environnement concernent la rivière et l’énergie que
l’on en tire depuis les années 50. Ces décisions vont commencer à produire leur
effet et être entérinées par le Parlement. Il ne faudrait pas que la libre
concurrence sur l’énergie et la grande braderie de la houille blanche qui se
prépare se fasse au détriment du touriste nautique et n’aggrave encore le morcellement de nos rivières.
Le juriste, trop
souvent, n’évoque que le droit de passage de l’eau en oubliant
celui du touriste nautique.